Au moment où ces lignes sont écrites, un militant de la cause corse lutte contre la mort et des dizaines de milliers de compatriotes le soutiennent, au-delà même de ceux qui ont manifesté ces derniers jours. Le moment que nous vivons est grave et nos pensées vont d’abord à Yvan Colonna et aux siens.
Un cri, un vieux slogan venu du fond des luttes corses a émergé au cœur d’une actualité dramatique : « Statu francese assassinu ! ». Le nouveau préfet a jugé bon de le contredire dans les colonnes de Corse-Matin : « l’Etat français n’est pas assassin », a-t-il déclaré. Il est dans son rôle en disant cela.
Dans le rôle qui lui est assigné au titre de ses fonctions et qui consiste, dans certains cas, à nier l’évidence. Je ne reprendrai pas ici la litanie d’ignominies dont l’Etat français s’est rendu coupable dans son histoire. Il lui est même arrivé de les reconnaître, par la voix de ses plus hauts représentants.
“ Les dirigeants français, de Choiseul à Macron, ne prennent en compte que les rapports de force. Leur longue expérience de la colonisation leur a appris à repérer les maillons faibles. Les mouvements et personnalités dont ils savent n’avoir rien à craindre ne reçoivent jamais que leur mépris, parfois agrémenté de fausses amabilités. “
Faudrait-il exiger une nouvelle repentance de sa part, s’agissant cette fois de la Corse ? Je ne suis pas certain que ce soit une priorité. Qu’il s’abstienne de faire obstacle une nouvelle fois à la vérité et à la justice, ce serait déjà appréciable. Pour un Etat, être assassin et menteur ne constitue pas, du reste, une originalité : « L’Etat est le plus froid des monstres froids », nous dit Nietzsche, ajoutant « Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : “Moi l’Etat, je suis le peuple.” » L’auteur nous rappelle ici une autre évidence : l’Etat n’est pas le peuple. L’Etat français n’est pas le peuple français. Il faut se souvenir de cela en toutes circonstances, sous peine de verser à notre tour dans l’injustice. De nombreux Français ont soutenu les militants corses et singulièrement Yvan Colonna. Les noms figurant sur son comité de soutien en témoignent.
Il n’en demeure pas moins que les « élites » qui dirigent la France depuis des siècles paraissent inamendables et sorties du même moule, à l’exception de rares personnalités comme Victor Schœlcher, Pierre Mendès France et quelques autres…
Ce que nous enseigne l’histoire, c’est que les dirigeants français, de Choiseul à Macron, ne prennent en compte que les rapports de force. Leur longue expérience de la colonisation leur a appris à repérer les maillons faibles. Les mouvements et personnalités dont ils savent n’avoir rien à craindre ne reçoivent jamais que leur mépris, parfois agrémenté de fausses amabilités.
Au sein de tous les peuples aujourd’hui libres, ce sont ceux qui firent preuve de détermination qui écrivirent l’histoire.
Jean-Guy Talamoni