#147 – Jean-Guy Talamoni : Affaire de manipulation

On a beaucoup critiqué, ces derniers temps, les débats organisés quotidiennement sur les chaînes d’information continue. Et il est vrai que, bien souvent, la tranquille arrogance de nos toutologues patentés a quelque chose d’agaçant qui nous pousse irrépressiblement à changer de chaîne. Tout particulièrement lorsqu’ils dissertent doctement sur un sujet que nous connaissons quelque peu – comme la situation de la Corse –, et qui nous permet de mesurer instantanément l’étendue de leur ignorance. Pourtant, il peut nous arriver d’être agréablement surpris. Ainsi, il y a quelques jours sur CNews, Alain Bauer (professeur au CNAM et spécialiste des questions de sécurité) était invité à parler de la Corse et à commenter cette assertion répétée ad nauseam depuis des semaines : la jeunesse corse est manipulée. Contre toute attente, il devait affirmer clairement, fort de son expertise et des renseignements à sa disposition, qu’en fait les jeunes corses n’obéissaient qu’à eux-mêmes lorsqu’ils se soulevaient dans les rues de Bastia ou d’Ajaccio. Non, ils n’étaient manipulés ni contrôlés par personne… Ah bon ? On imagine la perplexité générale provoquée par ces mots venant contredire ce qui était jusqu’alors universellement considéré comme une évidence. “ Quoi que l’on puisse en penser et quelles que soient les craintes que suscite la situation présente, force est de constater que ce sont bien les jeunes qui l’ont créée et qui ont contraint l’Etat français à cesser d’ignorer la Corse et le suffrage universel. “ Ce qu’il y a de plus consternant, c’est que les chroniqueurs parisiens du dimanche ne sont pas les seuls à adhérer à ce genre de discours ineptes. En Corse même, d’aucuns croient voir dans l’action de la jeunesse la main invisible de mystérieux manipulateurs. Comme quoi, le complotisme est parfois du côté de la plus pure expression du politiquement correct. Pour penser cela, il faut ne pas avoir soi-même été jeune (« esse natu vechju »), ou bien avoir vécu une jeunesse de légume manipulable, que le père conduisait à l’isoloir pour donner sa voix, en toute docilité, à un chef de parti désigné au titre de l’autorité parentale. Personnellement, j’en connais quelques-uns de ma génération qui furent dans ce cas. Certains sont même aujourd’hui devenus autonomistes : le clan et le clientélisme mènent à tout, à condition bien sûr d’en sortir, quitte à y retourner sous une autre forme… Toujours est-il qu’au moment où la situation corse semblait tout à fait bloquée, le sursaut est venu de notre jeunesse, et celle-ci en a choisi la voie en toute souveraineté. D’ailleurs, aucun courant, qu’il soit autonomiste ou indépendantiste, ne préconisait les batailles de rues, les premiers ayant opté pour une attitude de conciliation – pour ne pas dire davantage –, les seconds en appelant à la désobéissance civile et à la mobilisation populaire. Quoi que l’on puisse en penser et quelles que soient les craintes que suscite la situation présente, force est de constater que ce sont bien les jeunes qui l’ont créée et qui ont contraint l’Etat français à cesser d’ignorer la Corse et le suffrage universel. À présent, il appartient aux élus, aux mouvements politiques et aux syndicats de prendre leurs responsabilités, non pas à la place des jeunes corses mais auprès d’eux, pour imposer enfin à Paris la mise en œuvre d’une solution politique. Tenter de faire croire que le salut pourrait venir de la bienveillance hexagonale ou des appels répétés et larmoyants au dialogue relèverait, pour le coup, d’une tentative de… manipulation. Jean-Guy Talamoni

#146 – Jean-Guy Talamoni : “Statu Francese…”

Au moment où ces lignes sont écrites, un militant de la cause corse lutte contre la mort et des dizaines de milliers de compatriotes le soutiennent, au-delà même de ceux qui ont manifesté ces derniers jours. Le moment que nous vivons est grave et nos pensées vont d’abord à Yvan Colonna et aux siens. Un cri, un vieux slogan venu du fond des luttes corses a émergé au cœur d’une actualité dramatique : « Statu francese assassinu ! ». Le nouveau préfet a jugé bon de le contredire dans les colonnes de Corse-Matin : « l’Etat français n’est pas assassin », a-t-il déclaré. Il est dans son rôle en disant cela. Dans le rôle qui lui est assigné au titre de ses fonctions et qui consiste, dans certains cas, à nier l’évidence. Je ne reprendrai pas ici la litanie d’ignominies dont l’Etat français s’est rendu coupable dans son histoire. Il lui est même arrivé de les reconnaître, par la voix de ses plus hauts représentants. “ Les dirigeants français, de Choiseul à Macron, ne prennent en compte que les rapports de force. Leur longue expérience de la colonisation leur a appris à repérer les maillons faibles. Les mouvements et personnalités dont ils savent n’avoir rien à craindre ne reçoivent jamais que leur mépris, parfois agrémenté de fausses amabilités. “ Faudrait-il exiger une nouvelle repentance de sa part, s’agissant cette fois de la Corse ? Je ne suis pas certain que ce soit une priorité. Qu’il s’abstienne de faire obstacle une nouvelle fois à la vérité et à la justice, ce serait déjà appréciable. Pour un Etat, être assassin et menteur ne constitue pas, du reste, une originalité : « L’Etat est le plus froid des monstres froids », nous dit Nietzsche, ajoutant « Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : “Moi l’Etat, je suis le peuple.” » L’auteur nous rappelle ici une autre évidence : l’Etat n’est pas le peuple. L’Etat français n’est pas le peuple français. Il faut se souvenir de cela en toutes circonstances, sous peine de verser à notre tour dans l’injustice. De nombreux Français ont soutenu les militants corses et singulièrement Yvan Colonna. Les noms figurant sur son comité de soutien en témoignent. Il n’en demeure pas moins que les « élites » qui dirigent la France depuis des siècles paraissent inamendables et sorties du même moule, à l’exception de rares personnalités comme Victor Schœlcher, Pierre Mendès France et quelques autres… Ce que nous enseigne l’histoire, c’est que les dirigeants français, de Choiseul à Macron, ne prennent en compte que les rapports de force. Leur longue expérience de la colonisation leur a appris à repérer les maillons faibles. Les mouvements et personnalités dont ils savent n’avoir rien à craindre ne reçoivent jamais que leur mépris, parfois agrémenté de fausses amabilités. Au sein de tous les peuples aujourd’hui libres, ce sont ceux qui firent preuve de détermination qui écrivirent l’histoire. Jean-Guy Talamoni

Da quì à pocu, u Ribombu di Ferraghju

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