Cartulare : U turisimu, scontru cù Cesar Filippi
U RIBOMBU - César Filippi, sous votre impulsion une nouvelle organisation professionnelle a vu le jour : A FIDIRAZIONI DI L‘UPARAGHJI DI U TURISIMU CORSU.
Dites-nous tout ! A qui s‘adresse ce moyen de revendication, quel est le sens de votre lutte, qui sont vos interlocuteurs, et le but global de votre action ?
A FIDIRAZIONI DI L‘UPARAGHJI DI U TURISIMU CORSU, est ouverte à tous les professionnels qui, de manière directe, induite ou périphérique, vivent en Corse de l‘industrie du Tourisme.
Elle prêche la refonte totale de ce secteur d‘activité, afin que l‘île passe d‘un Tourisme de cueillette à un Tourisme maîtrisé, à taille humaine, et respectueux de l‘homme dans son environnement et sa culture.
Elle souhaite asseoir autour de la même table de travail tous les acteurs d‘une transversalité, pierre angulaire du Tourisme de demain dans le monde.
A FIDIRAZIONI a comme finalité d‘institutionnaliser cette démarche par la création d‘une Chambre des Métiers du Tourisme qui regroupera sur une plate-forme commune de réflexion, de travail et de propositions, les 22 secteurs d‘activité qui ont d‘ores et déjà rejoint nos rangs.
U RIBOMBU - L‘époque actuelle a vu une évolution pour le moins chaotique de la conjoncture... Les enjeux habituels sont-ils à redéfinir ?
Un bateau sans gouvernail finit toujours par s‘échouer, ou couler.
Le Tourisme en Corse n‘a jamais été planifié ! Longtemps qualifié comme : “le mal nécessaire“ personne ne s‘en est préoccupé !
Ce joyau a donc été abandonné à la prédation sauvage et il a attiré toutes sortes de rapaces qui n‘ont été freinés qu‘un temps par ce que d‘aucuns ont appelé la “violence politique“.
Aujourd‘hui, le constat est amer : cette fabuleuse ressource échappe pour l‘essentiel aux indigènes et provoque, c‘est compréhensible, un véritable phénomène de rejet par une partie de la population.
Le problème est que ce rejet global touche également les 30 000 familles Corses, qui en vivent depuis déjà quelques décennies. Ces familles qui, il y a un demi-siècle, ont choisi cette voie pour pouvoir vivre en Corse du fruit de leur travail ! Seraient-elles restées en Corse si elles n‘avaient pas opté à l‘époque pour le Tourisme ? Mais il est évident qu‘une très profonde refonte s‘impose !
U RIBOMBU - La crise sanitaire peut apparaître comme une mise à mort de notre économie, comment vous organisez-vous pour appréhender et répondre à cette situation catastrophique ?
Quand un secteur d‘activité représente 33% du PIB d‘une Région, une Île-montagne, avec de surcroît une faible démographie... tout s‘arrête brutalement. C‘est bien évidemment très préoccupant pour l‘ensemble de son économie !
Mais la Pandémie n‘est que le révélateur et l‘accélérateur de tous les maux dont souffre l‘île. Mais il ne faudrait pas que la COVID soit l‘arbre qui cache la forêt. Elle révèle également l‘important retard qui n‘a cessé de se creuser, au niveau des infrastructures lourdes, au cours des dernières décennies !
Mais, la crise aiguë que connaît aujourd‘hui l‘hébergement Professionnel est due aux dysfonctionnements que ce secteur traîne comme de lourds boulets et surtout aussi à l‘émergence du PARA-TOURISME qui à commencé il y a 20 ans et qui, depuis, ne cesse de croître ! Il représente aujourd‘hui plus de 70% de l‘offre totale de l‘hébergement dans l‘île : il est le cancer de la Corse !
U RIBOMBU - Notre pays restera toujours un pays touristique. Dans quel sens entendez-vous cet état de fait, comment faudra-t-il orienter notre offre pour répondre à ces nouvelles attentes ?
Votre constat est très juste, mais je vais y ajouter 6 mots pour faire sourire les lecteurs : “À l‘insu de notre plein gré“.
Et ma réponse sera sous forme de métaphore, et évitera une très longue démonstration.
Quand un pays a la chance de posséder un diamant brut de cette taille et qu‘il est situé à 1h30 de toutes les capitales européennes: On n‘a pas le droit de le vendre en pieces détachées. On n‘a pas besoin d‘en tailler les facettes pour répondre à tel ou tel autre phénomène de mode ! On n‘a simplement qu‘à en polir les facettes les mettre en évidence puis étaler et limiter à convenance les flux de visiteurs pour éviter de ternir ce joyau.
Voilà les principes de base ! Et bien évidemment ne pas omettre de prioriser enfin le Tourisme professionnel qui crée la valeur ajoutée et la forte incidence sociale comme l‘a clairement défini le PADDUC. Aujourd‘hui ces mêmes acteurs sont contraints de mener un combat permanent, à armes inégales, contre le Para-Tourisme ainsi que contre la différence des coûts d‘exploitation entre la Corse et le continent pour pouvoir travailler. Sans une intervention très énergique de la part de l‘ÉTAT, ils sont voués à disparaître.
U RIBOMBU - César, avez-vous déjà identifié quels outils mobiliser pour répondre aux crises et se projeter dans un nouveau développement ? La CDC et les Corses pourront-ils répondre aux attentes en termes de formation, et d‘investissements ?
La demi-saison de 2020 à répondu à une partie de votre question !
De quoi avons-nous le plus souffert la saison dernière ? Des carences générales et récurrentes dont souffre la Corse depuis 2 siècles et demi ! Des manques d‘équipements structurants de tout ordre, y compris sur le plan sanitaire ! Des Transports, toujours très chers et inadaptés à la réalité de la demande actuelle ! Car le Touriste part plus souvent, mais pour de plus courts séjours. Et nous travaillons sur des segments de saison beaucoup trop courts !
La Formation est sous-dimensionnée, car les besoins sont de 24 000 saisonniers, et nous n‘en formons qu‘une centaine par an. Ainsi elle ne répond pas aux critères prioritaires clairement définis par les objectifs du PADDUC. Il est certain que la CDC n‘a pas les moyens financiers pour répondre aux besoins d‘une incontournable refonte ! C‘est à l‘Etat qu‘il appartient d‘agir. Et cela à plus d‘un titre.
Le premier et le plus lourd est de rétablir l‘équilibre qu‘il a très largement participé à rompre en faisant de la Corse un «Paradis Fiscal» pour les Spéculateurs Urbi et Orbi mais au grand dam de la population et des Professionnels locaux ! LA FIDIRAZIONI a fait une proposition à l‘ÉTAT pour qu‘il accorde un Crédit d‘impôt spécifique de 50% sur 7 ans. Cette mesure est aujourd‘hui indispensable au tissu professionnel familial existant afin qu‘il retrouve le Marché que l‘ÉTAT a largement contribué à lui faire perdre !
Sans cette mesure, tous ces établissements disparaîtront dans des ventes à la bougie, pour réapparaître sous forme de résidences secondaires...ou bien, sous la “griffe“ acérée des majors de l‘hôtellerie, ou des multinationales !
U RIBOMBU - Enfin, toute activité est censée produire une plus-value : quelle intégration sociale pour le tourisme corse, comment partager les fruits de cette activité surtout si le statu quo reste la règle en politique institutionnelle ?
Il faut avoir comme objectif premier de tout faire pour favoriser le développement d‘un Tourisme transversal établi sur l‘année ! C‘est le fil rouge que va suivre A FIDIRAZIONI avec l‘ensemble de ses partenaires.
L‘action Touristique peut rester le générateur des flux. Mais pour cela il faut également changer les logiciels de la promotion et des transports !
Et il faut surtout cesser de faire croire que le salut des entreprises tient dans le simple fait d‘augmenter la fréquentation en période de crête. Le plus grand danger se situe à ce niveau !
C‘est tout simplement la marche silencieuse vers le concept de « Tout Tourisme » qui n‘ose pas dire son nom !
U RIBOMBU - Vous savez également le rôle identitaire et crucial, pour notre destination, des productions locales, qu‘elles soient agro-alimentaires, ou artisanales. Voudriez-vous jouer également un rôle dans la défense de ses activités ?
Un Tourisme transversal, sinon, quoi d‘autre ? La plupart des acteurs économiques des secteurs que vous citez ont déjà rejoint A FIDIRAZIONI ! Et d‘ailleurs c‘est une opération gagnant, gagnant ! Car la mise en pratique des circuits courts est une chance et surtout aujourd‘hui. C‘est une énorme image de marque publicitaire pour l‘offre réceptive corse !
La Corse possède le potentiel, les matériaux et les hommes !
Il manque la volonté collective, le pouvoir, les moyens financiers, et «puis la partition et la formation de la chorale».
C‘est très exactement ce que nous avons initié et qui restera le cœur de projet et la mission que s‘est fixée A FIDIRAZIONI !