Jean-Guy Talamoni : U ritornu di e ghjurnate internaziunale

E Ghjurnate sont de retour ! Cette manifestation est bien davantage qu’un rendez-vous estival : elle constitue le témoignage d’un presque demi-siècle de lutte du peuple corse. Au début de l’aventure, ceux qui représentaient légitimement ce peuple étaient arithmétiquement minoritaires. En fait, ils avaient été une poignée à ramasser à terre les pénates de la patrie. Durant les années soixante, la prise de conscience avait concerné quelques groupes de militants se cherchant confusément une stratégie, entre régionalisme et revendications corporatistes. Au cours des années 1970 en revanche, eut lieu ce que l’on a pu appeler le « miracle » du Riacquistu. « Miracle », le mot était bien choisi, car enfin, qui aurait pu prévoir ce sursaut d’un peuple dont la grande majorité des membres ignoraient l’idée nationale, pensaient que leur langue se réduisait à un « patois » et estimaient que l’objectif le plus raisonnable était de devenir « des Français à part entière » ? Comme en d’autres points du monde, la puissance dominante avait savamment instillé le venin de la « haine de soi » (Albert Memmi)… Si Aleria fut en 1975 un moment fort dans la prise de conscience, c’est bien la création du FLNC l’année suivante qui donna à la nation de réelles chances de renaître, à travers la mise en œuvre de la stratégie de Lutte de Libération Nationale. Ceux qui ont connu cette période ont pu voir l’évolution de l’image, dans l’esprit des Corses, de ceux que l’on n’appelait pas encore « les natios ». Largement considérés jusque-là comme des exaltés ou des produits folkloriques de « soixante-huit », ils ne suscitaient de la part des clanistes alors tout puissants que des réactions goguenardes, surtout au moment du dépouillement, lorsqu’ils se hasardaient à se présenter aux élections : « Ùn ritrovi mancu i toi ! ». La création du FLNC eut pour conséquence immédiate le changement du regard porté par les Corses sur cette jeunesse qu’il fallait bien prendre, désormais, au sérieux. Dans les années qui suivirent, e Ghjurnate furent le miroir fidèle des combats, des solidarités internationales, des sacrifices, des erreurs et des avancées d’une lutte qui a – quoi que certains en disent – sauvé la nation corse d’une disparition certaine. C’est cette histoire-là que racontent e ghjurnate. C’est cette histoire-là qu’elles continuent à écrire, loin des dérisoires politicailleries qui avilissent la vie publique. L’histoire d’une fidélité aussi inexpugnable que les murs de la citadelle de Corti. Jean-Guy Talamoni

La groupie du claniste : Le droit de contester

A-t-on encore le droit de contester la politique du Président de l’Exécutif sans être taxé de revanchard ? De se présenter aux élections sous sa propre étiquette sans être accusé de poursuivre une sombre vengeance ? De porter sa propre démarche politique sans être poursuivi devant le tribunal médiatique pour crime de lèse-majesté ? Dans l‘organe d’information en ligne Corse Net Infos, une respectable consœur a ainsi donné – avant les élections et en toute objectivité – son interprétation de la candidature de Petru Antone Tomasi : « Comment empêcher le député de Femu a Corsica d’être élu dès le 1er tour en lui grignotant quelques petits pourcentages ? C’est tout l’enjeu de la candidature tardive de l’autre nationaliste. Petru Antò Tomasi, qui, quoi qu’il s’en défende, n’est là que pour régler les comptes de Corsica Libera qui n’a toujours pas digéré l’explosion en plein vol de la coalition Per a Corsica et l’échec aux Territoriales de 2021 qui en a résulté. Le parti indépendantiste n’a, a priori, rien de personnel contre Michel Castellani qui entretient plutôt de bons rapports avec l’ensemble du mouvement national, mais vise à travers lui deux hommes qu’il ne cesse de poursuivre de sa vindicte : le président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, et l’ex-secrétaire national de Femu a Corsica et député sortant de la seconde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva. (…) La crise, qui a secoué la Corse en mars dernier suite à l’assassinat d’Yvan Colonna, a montré l’ampleur de la haine et des rancœurs. L’appel à la raison, à la concertation et à l’union de Corse in Fronte est restée lettre morte. Et ce n’est pas ce scrutin qui va apaiser les tensions. » Publiée dans un média qui n’est pas réputé appartenir à la presse d’opinion, cette prose s’écarte légèrement de l’objectivité qui sied à une professionnelle étrangère à « la haine » et aux « rancœurs » ! Il n’est certes pas interdit d’être à la fois journaliste et groupie d’un chanteur populaire ou d’une célébrité quelconque. Il vaut mieux toutefois distinguer les deux et ne pas mélanger les genres. Cela dit, chacun a bien le droit d’écrire ce qu’il veut. Le Ribombu aussi. Là où l‘auteure de l‘article a raison, c’est que Corsica Libera n’a rien de personnel contre Monsieur Castellani. Elle n’a d’ailleurs, non plus, rien de personnel contre Messieurs Simeoni et Acquaviva. C’est seulement la démarche politique de Femu a Corsica qui est en cause. Certes, le pacte faustien passé par le Président du Conseil exécutif avec le Président de la république française (le premier acceptant les conditions de l’adversaire pour négocier, parmi lesquelles la mise à l’écart de ses alliés indépendantistes) n’a rien d’honorable. L’affaire avait été éventée, faisant figure de secret de polichinelle, avant même d’être confirmée par la presse parisienne (Le Monde, Le Canard enchaîné, etc.). Mais ce n’est pas l’essentiel. Sur le passé, passons. D’autant que le présent n’est pas plus glorieux. Sur le plan politique d’abord : le président de l’Exécutif affirmant publiquement au moment de la visite de Monsieur Darmanin en Corse que les « lignes rouges » imposées par ce dernier n’étaient pas un problème et que l’on pouvait bien écarter des débats la langue corse ou la reconnaissance des droits du peuple corse (en fait, tout ce qui est la raison d’être du mouvement national) ; ou encore un député-candidat de Femu répétant benoîtement qu’il se battait pour « une France plus solidaire »… A-t-on le droit, en tant que nationaliste corse, de ne pas être sur cette ligne politique ? Sur le plan de la gestion des institutions corses ensuite : la majorité nationaliste (autonomistes-indépendantistes) a été remplacée par une construction dont le ciment n’est plus l’idée nationale mais l’allégeance personnelle fondée sur la relation clientéliste. Comment croire que tous ces maires, venus d’autres courants politiques et souvent même de l’antinationalisme, apportant de nos jours leurs bataillons d’électeurs à un homme plus qu’à une majorité, ont tous été touchés, subitement, par la grâce nationale ? Répéter que l’on va « construire la Corse avec tous les Corses et non les seuls nationalistes » revient à se servir d’une idée généreuse (que nous partageons d’ailleurs) pour cacher une réalité moins reluisante… Ces édiles qui expliquent en conseil municipal ce qu’on leur a fait comprendre clairement, à savoir que le nombre de voix rassemblées en faveur du parti unique déterminera le niveau des subventions qui seront encaissées par la commune. Ou bien ces municipalités qui se sont vues imposer par le Cours Grandval le choix du président de leur intercommunalité. Ou encore ces « porteurs de voix », fraichement exfiltrés de formations « traditionnelles » en déconfiture, subitement projetés au plus haut niveau de responsabilité (Conseil exécutif, présidences de communautés de communes, etc…) Vu sous cet angle, le phénomène de la multiplication des suffrages apparaît moins miraculeux que celui de la multiplication des pains. À la décharge de la majorité actuelle, elle n’a pas inventé ces procédés. Elle les a simplement fait passer du stade artisanal à l’échelle industrielle. Par-delà les questions d’hommes (nous n’avons pas dans ces colonnes l’habitude des attaques ad personam), il y a une démarche politique de soumission à Paris, que nous ne partageons en rien, et une gestion claniste des institutions, qui nous inquiète profondément. Aussi, nous réitérons notre question : a-t-on le droit de ne pas soutenir Femu a Corsica et de défendre notre propre démarche, historique, sans être qualifiés de revanchards par une cohorte de thuriféraires nouvellement convertis ? U Ribombu

#149 Ghjugnu/Lugliu : Hè esciutu !

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Ghjugnu/Lugliu #149 – Cap’Articulu : ET MAINTENANT ?

Une fois refermée la parenthèse électorale des dernières législatives, la Corse se retrouve dans la même situation qu’au lendemain du drame de la prison d’Arles et de la réponse populaire qu’il a suscitée dans notre pays. À cette occasion démonstration a été faite, une fois de plus, que la mobilisation et la détermination des Corses - en particulier de leur jeunesse - était plus efficace que des mois voire des années de palabres au sein d’ institutions cadenassées. Lors de sa visite, Gérard Darmanin s’est empressé de réaffirmer le rôle de porte-avions français en Méditerranée assigné à notre territoire national, et d’annoncer - sans rire - l’ouverture de discussions compte tenu du changement de majorité en Corse. C’est à dire, dans son esprit comme - malheureusement - dans la réalité, de changement de partenaires et, surtout, de cap. À la vérité, sa venue - et tout le monde l’aura bien compris - n’était due qu’à l’ampleur des manifestations en cours et à la pression de la rue; mais les représentants de l’État français nous ont depuis longtemps habitués à ce genre de mensonges et de diversions. Ils nous ont aussi habitués à leur manœuvres visant à circonvenir leurs potentiels interlocuteurs en les pressant de renier leurs alliances ainsi que leurs engagements. Parfois, malheureusement, celles-ci aboutissent. Il apparaît dès lors clairement, sans risquer de se livrer à un procès d’intention inapproprié, que l’État français a une idée toute particulière du caractère « historique » des discussions à venir. Il s’agira pour lui, selon toute vraisemblance, d’affirmer l’ancrage définitif de la Corse dans la république française par des liens de dépendance remodelés et d’annoncer des mesurettes très ciblées, propres à satisfaire quelques appétits, et à s‘assurer quelques soutiens, présentées comme autant d’avancées majeures. Le tout sur fond de négation de notre existence en tant que peuple, d’ores et déjà assumée publiquement par le président de la république française, et de définition de « lignes rouges » qui, comme par hasard, correspondent à autant de revendications fondamentales du nationalisme corse. Cette attitude et cette démarche prennent leur source et puisent leur force dans tous les atermoiements, voire les reniements, qu’elles rencontrent. Il est plus que temps de signifier, par tous les moyens dont les Corses pourront légitimement se doter, que nous n’accepterons pas plus longtemps d’être niés dans notre existence en tant que peuple, et que nous n’accepterons aucune des « lignes rouges » que l’on veut nous imposer arbitrairement. Dans ce contexte, les seules discussions qui auraient quelque chance d’aboutir sont celles qui prendraient en compte ce que notre peuple, et lui seul - car il existe bel et bien - a validé avec l’appui de toutes ses forces vives, et qu’il a récemment réaffirmé avec force dans la rue. Toute autre démarche serait inéluctablement vouée à l’échec. Or c’est, plus que jamais, de réussite et de liberté dont notre pays a besoin. L’une n’allant pas sans l’autre. Cela, nous le savons, ne se fera pas sans lutte. Più ch’è mai, à populu fattu bisogn’à marchjà.
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