Cap’Articulu #164 : Nazione.

Après le succès de l’Assemblée Générale constitutive du 2 février dernier, où près de 700 militants ont porté sur ses fonts baptismaux le mouvement Nazione, la réponse de l’Etat français et de sa police politique ne s’est pas fait attendre. Au delà d’un élan de solidarité nationale qui, aussi important soit-il, est tout naturel, cette fois les exactions des soudards d’un « Etat de droit », qui consacre en fait les droits d’un Etat étranger à faire tout et n’importe quoi dans notre pays, ne sont pas passées inaperçues dans le reste du monde; notamment, dans des pays qui, régulièrement, reçoivent de la France des leçons concernant les « droits de l’Homme », pourtant régulièrement bafoués dans les dernières colonies de cet empire décadent et liberticide. Les messages de soutien, comme ceux exhortant l’Etat français à rectifier son attitude ont été nombreux et l’intérêt porté à la cause nationale corse va grandissant, justifiant pleinement la démarche de notre élue à l’Assemblée de Corse, Josepha Giacometti, qui, dès le 31 janvier dernier, déposait une motion intitulée : « Demande d‘inscription de la Corse sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser ». Examinée en Commission permanente le même jour, cette dernière a été renvoyée en commission des compétences législatives et réglementaires et en conférence des présidents. Les Corses ont tout intérêt à rester attentifs au devenir de cette motion qui pose la problématique actuelle dans les bons termes, et au niveau où elle doit l’être: le niveau international. À qui, au XXIe siècle, pourrait-on imposer, sans le faire légitimement réagir, d’être traité comme s’il n’était pas un être humain à part entière? Dès lors, quel peuple de la planète, aujourd’hui, accepterait d’être traité comme s’il n’en était pas un ? Quel degré d’indignité exige-t-on des Corses pour oser les soumettre à cette « ligne rouge »? Ceux qui, ici comme à Paris, continuent de nier ce fait colonial, refusant ainsi de reconnaître les droits nationaux d’un peuple multiséculaire, désarment ce dernier devant les agressions multiformes qu’il subit en permanence et qui, progressivement, mais de plus en plus rapidement, le ravalent au rang d’une communauté minoritaire, dépossédée, dans un pays qui n’est d’ores et déjà plus tout à fait le sien. De plus en plus nombreux, les Corses qui ont fait le constat de cette situation inacceptable et de la tartuferie d’un pseudo processus destiné à nous détourner définitivement de notre dessein national se sont réunis au sein d’une plateforme patriotique, d’un mouvement qui saura allier souplesse et efficacité pour créer les conditions d’une solution politique véritable. Son nom est aussi clair et facile que la respiration d’un peuple libre et pleinement souverain sur sa terre, il évoque tout à la fois ce que nous sommes depuis toujours dans notre réalité sociologique, culturelle, historique, en un mot humaine, et ce à quoi nous aspirons et qui nous permet de nous projeter dans l’avenir: Nazione.

Cap’Articulu da Eric Simoni di u #163

« Les usages français greffés sur ceux des Corses, plutôt que les ennoblir, les corrompent et exacerbent la plaie au lieu de la soigner »* Au delà de pseudo discussions en cours sur une éventuelle « autonomie » de la Corse, concept sans cesse revisité et, chaque jour un peu plus, vidé de contenu ou de portée réelle, il y a bien un processus en cours actuellement. Un processus de liquidation de toute revendication d’essence authentiquement nationale dans notre pays. La répression multiforme, qui va du fichage systématique de patriotes considérés comme des « terroristes », à des contraintes administratives et financières hors du commun infligées à de jeunes militants dont le seul tort a été d’exprimer leur sentiment de légitime révolte face à l’injustice, ne faiblit pas. Elle s’amplifie même en traitant des familles entières comme autant d’ « associations de malfaiteurs », et prépare, sans répit, de nouveaux coups tordus contre tous ceux qui ne se résigneront jamais à laisser leur peuple être condamné à un « destin français » de soumission perpétuelle. Parallèlement aux « lignes rouges » qui nient nos droits fondamentaux et jusqu’à notre existence même, des démarches d’enfumage politique et de déconstruction de l’idée nationale corse sont également à l’oeuvre, mais de manière plus insidieuse, participant à une confusion préjudiciable à l’indispensable cohésion nationale que requiert une véritable lutte de libération. Il en est ainsi de la négation du fait colonial, ou de la réduction d’une question nationale à une revendication exclusivement identitaire, ainsi que des nombreux schémas importés qui ont la prétention de faire le bonheur des peuples malgré eux. L’influence des partis français et de leur phraséologie manichéenne est ici prégnante, même lorsqu’elle est affublée des oripeaux d’un « corsisme » - voire d’un « nationalisme » - de circonstance (le plus souvent électorale); elle est aux antipodes des nuances de la pensée que permettent notre culture ancestrale et cette société de proximité qui fait tant horreur à la tutelle étrangère. Téléguidées ou pas, toutes ces manœuvres convergent et peuvent aboutir à une communautarisation de la société « à l’usu francese », avec des polémiques entretenues pour diviser le peuple sur fond de débats caricaturaux ou l’irrespect domine. La colonisation de peuplement effrénée que nous continuons à subir, accélérée et amplifiée par des dispositifs fiscaux et « économiques » de dépossession des Corses, aggrave singulièrement cette menace. Face à cela, sans doute parce que « là où est le danger grandit aussi ce qui sauve », le mouvement de libération nationale est en voie de renouvellement, de redéploiement, avec ses structures politiques, associatives, syndicales, sa jeunesse, et l’expérience des années de lutte qui ont permis de préserver l’essentiel: une conscience nationale inaltérable. Les réunions organisées sous l’égide de A Chjama Patriotta dans toute la Corse participent actuellement de cet élan nouveau qui permettra la mise en synergie de toutes les forces vives du pays au service de la seule ambition qui vaille: libérer la Corse, et permettre à notre peuple d’accomplir enfin son destin national. *Niccolò Tommaseo (1802-1874)

#162 : A chjama patriotta pè un destinu corsu è un avvene di libertà.

Le mois écoulé aura été marqué dans un premier temps par la visite du Président français en Corse. Comme prévu, il s’est agi d’un non évènement entérinant une démarche des « petits pas », dont certains, contre toute évidence, continuent à vanter les mérites. Sauf que ces petits « pas » là se résument en réalité à : « pas » de peuple corse, « pas »d’officialité de notre langue dans son propre pays, « pas » d’emploi pour les Corses sur leur terre, « pas » de possibilité pour notre peuple de préserver son patrimoine, en fait « pas » de peuple corse du tout. De « lignes rouges » réaffirmées en promesse d’un funeste destin de soumission, le processus d’ « accompagnement » d’un peuple ravalé au rang de « communauté » suivait donc son cours dans l’indifférence quasi générale d’un corps social anesthésié. Dans ce contexte, le réveil général opéré par les actions du FLNC, ainsi que les termes - laconiques mais on ne peut plus clairs - de leur revendication, n’est pas vraiment surprenant. Même si les calculs - aussi irresponsables que cyniques - de certains ont fini, le temps aidant, par leur faire penser que la volonté d’installer une paix durable réellement porteuse d’une solution politique pour la Corse et son peuple se confondrait avec l’acceptation de l’inacceptable. Aujourd’hui, la responsabilité de la situation dans laquelle nous nous trouvons incombe exclusivement à ceux qui à Paris ou en Corse ont manoeuvré honteusement pour étouffer l’idée nationale et tenté, une fois de plus, de marginaliser, voire de criminaliser, les patriotes qui la portent. Le succès de l’appel lancé par le collectif Patriotti atteste du fait que les Corses ne sont pas prêts à renier tout ce pourquoi ils se sont battus tout au long de leur Histoire, et, notamment ces dernières décennies. Les centaines de militants présents ce dimanche 15 octobre à Corti, par l’ampleur de leur participation et la nature de leurs échanges, ont démenti les quelques « analystes » - pas très bien attentionnés - qui s’évertuent à tenter de minimiser une démarche essentielle et salvatrice: non, il ne s’agit pas simplement de créer un enième parti nationaliste pour redonner du souffle à quelque structure existante; pas plus qu’il n’est question de vouloir bloquer un « processus », si tant est qu’il en existe vraiment un, susceptible d’apporter quoi que ce soit de positif à la Corse. En réalité, ce qui est en jeu ici, c’est la possibilité de faire converger tous les engagements, toutes les compétences, quel que soit leur terrain d’application, au service d’une action globale cohérente et d’une synergie efficace qui rendent incontournables nos aspirations nationales. Et qui instaurent enfin le seul rapport de force susceptible d’amener à de véritables négociations. Celles qui prendront réellement en considération la volonté d’un peuple sur sa terre, et par la même, les droits nationaux qui en découlent. A chjama patriotta hè stata intesa. Avà ci tocc’à tutti à falla rimbumbà ind’è a Corsica sana.

#161 : De l’international au national: pièges et convergences patriotiques.

Au delà de leur franc succès en terme d’affluence ou de densité des débats politiques et culturels, les dernières Ghjurnate Internaziunale ont, cette année encore, permis de délivrer un message d’importance capitale, en ces temps d’extrême confusion. Par delà la confrontation des expériences, toutes singulières, une idée générale forte, ancrée dans l’Histoire autant que dans l’avenir, s’affirme pour tous les peuples qui luttent pour leur souveraineté et l’exercice de l’ensemble de leurs droits nationaux : les mesures sectorielles, les autonomies au rabais, les contorsions constitutionnelles, et les pseudo concertations qui ne servent qu’à gagner du temps pour les uns, tout en en faisant perdre un maximum aux peuples pour qui il est compté, sont autant de pièges dont il faut savoir s’extraire. Partout dans le monde, d’ailleurs, la présence des anciennes grandes puissances coloniales, comme la France, est remis en cause. Les serviteurs zélés d’intérêts qui, au demeurant, sont souvent ceux des grandes firmes dictant leur conduite aux Etats, sont sur des sièges de plus en plus éjectables dans des pays que leurs tripatouillages ont conduits à la ruine ou à la guerre civile. En ce qui concerne la Corse et les autres nations non reconnues, ce qui prévaut est une attitude de mépris et de cynisme qui atteint son paroxysme par la négation de réalités humaines évidentes : « vous n’êtes pas un peuple, vous n’existez pas en tant que tel ». Voilà ce qui nous est asséné en permanence. Au delà de l’extrême violence du propos, ce « génocide administratif » permet de maintenir en place un système de dépendance qui aggrave chaque jour la situation de non développement et de dépossession qui est imposée aux Corses. Toutes les mesures structurantes qui pourraient nous permettre de vivre dignement de notre travail dans notre pays, d’envisager sereinement l’avenir de nos enfants, de nous projeter en tant qu’entité collective et solidaire nous sont interdites par des règles étrangères. Ces dernières, par exemple, favorisent la spéculation au détriment de la gestion saine et de la transmission du patrimoine acquis par le labeur; pourtant des solutions existent et elles ont été proposées depuis longtemps par Corsica Libera. Mais elles se heurtent, dans ce domaine comme dans tous les autres, au respect de lois et de règlements qui sont faits pour que nous n’existions pas. Ceux qui s’y réfèrent en permanence et refusent de remettre en cause ce système dans sa globalité, allant d’actes d’allégeance réitérés en signaux de soumission consentie, affaiblissent la Corse durablement. Alors qu’elle a besoin, au contraire, plus que jamais, de rassembler toutes ses forces, en particulier celles de la jeunesse, autour d’un projet national fédérant et libérateur. Tel est le sens de l’appel qui a été lancé le 6 Août dernier et de l’action politique menée dorénavant par toutes les forces patriotiques qui sauront converger pour œuvrer véritablement à l’avènement d’une Corse libre et souveraine.

#159 – Cap’Articulu : Dignité d’un peuple en lutte… et manœuvres dilatoires.

Depuis plus d’un an, à la suite de mobilisations survenues dans le terrible contexte que chacun connaît, se sont ouvertes des « discussions », préludes à un « processus » qui n’a, à ce jour, abouti qu’à la définition de « lignes rouges » de la part de l’Etat français. Faut-il rappeler que si ce cycle s’est enclenché, c’est uniquement parce que l’émotion suscitée par le sort fait à Yvan Colonna, mais aussi à son peuple depuis trop longtemps, a entraîné une lame de fond qui s’est déployée sur plusieurs semaines, et des manifestations de grande ampleur qui se sont déroulées dans la dignité, bien plus que dans le calme de la soumission permanente prônée en toute circonstance - et en toute inconséquence - par certains. C’est exclusivement à cette réactivité et à cette détermination de la société corse, et notamment de sa jeunesse, que l’on doit l’ouverture de ce que les médias ont nommé « processus de Beauvau ». Pourtant, à l’heure où sont rédigées ces quelques lignes, les représentants de la Corse, malgré des décennies de revendications plus que claires - et leur validation dans les urnes d’un système qui n’est pas celui d’une Corse un tant soit peu souveraine - sont invités à rédiger une énième copie. Cette dernière risque fort de rester lettre morte dans la mesure où la question éminemment politique de l’existence d’un peuple avec des droits sur sa terre, droits inaliénables et reconnus dans la Charte des Nations Unies, ne rentre aucunement dans la grille de lecture que Paris continue à vouloir imposer. Il serait pour le moins hasardeux pour les tenants de la Corse française - quelle que soit leur étiquette interchangeable du moment - de miser sur l’éviction des forces vives de notre pays, sans lesquelles il n’y aurait aujourd’hui aucun (faux?) semblant de discussion, ou sur la capacité estimée de quelque politicien à faire avaler des couleuvres au peuple. Au delà d’un projet politique et sociétal maintes fois développé par le mouvement de libération nationale, ou de la proposition en dix points de Corsica Libera popularisée lors des dernières Ghjurnate Internaziunale, les Corses dans leur grande majorité, indépendamment de leurs âges ou catégories sociales, savent qu’ils sont un peuple, et donc une nation. Si les grandes manoeuvres auxquelles nous assistons aujourd’hui ont pour principal objectif de n’en tenir aucun compte, alors le « processus » en cours, n’en doutons pas, risque vraiment d’avoir une portée « historique ». Mais certainement pas au sens où l’entendent les forces délétères qui ont choisi d’endormir la conscience nationale d’un peuple pour l’accompagner vers sa disparition programmée. « Chì lu populu di Cirnu, mai lu metteranu in fossa... »

Où sont les démocrates ? da Eric Simoni

Depuis des lustres nous n’entendons parler que de « démocratie » par les représentants officiels de l’Etat français et ceux qui, en Corse, s’en font les zélateurs. Pourtant, lorsque les orientations validées par les urnes - en consultant au demeurant un corps électoral qui va bien au delà du peuple réel de ce pays - sont régulièrement bafouées, où sont ces « démocrates »? Où sont-ils quand le sort, et la vie, de prisonniers politiques sont entre les mains de forces promptes à détourner les règles du droit pour assouvir une vengeance qui ne dit pas son nom? Où sont-ils quand des Corses sont interpellés, harcelés continuellement du fait de leur engagement public ou de leurs liens familiaux avec certains militants politiques? Comment justifient-ils que les droits de l’Homme soient à géométrie variable conférant à certains peuples le droit de s’ériger en nation, et le pouvoir de l’interdire à d’autres peuples? Comment expliquent-ils leur empressement à dénoncer le moindre geste de révolte d’une jeunesse, qu’ils n’hésitent pas à insulter et à qualifier de « manipulée », alors qu’ils sont les serviteurs d’un ordre étranger et violent à l’égard d’un peuple dont les aspirations à la souveraineté sont parfaitement légitimes? Pourquoi, et au nom de quels intérêts, défendent-ils l’application de règles étrangères au détriment de celles qui pourraient permettre de développer et faire prospérer notre nation? Sans limiter d’ailleurs le propos à la Corse, comment peut-on admettre, par exemple, que la dernière victoire électorale des indépendantistes polynésiens ne soit pas plus considérée, du coté de Paris et des médias français, étrangement silencieux sur le sujet, que le résultat d’une quelconque consultation locale? De vrais démocrates seraient enclins à tenir compte de la volonté d’un peuple dont le territoire a été réinscrit sur la liste des pays à décoloniser depuis dix ans, malgré des décennies d’obstruction française. De vrais démocrates ne se vautreraient pas dans l’imposture qui consiste à faire passer pour de la « non-violence » la soumission permanente à la violence du plus fort. De vrais démocrates défendraient bec et ongles la liberté de leur peuple et, plus généralement, le droit imprescriptible des peuples à disposer d’eux-mêmes. De vrais démocrates se battraient pour que chacun ait et garde le droit de dire haut et fort où vont ses soutiens humains, et politiques, sans être inquiété. Pour être fidèles à cette conception de la démocratie, les militants de Corsica Libera ont vu leurs locaux perquisitionnés, des responsables et membres de leur mouvement interpellés, leurs familles harcelées judiciairement. Pourtant ils ne font que relayer l’ardent désir de liberté et de paix réelle dont le mouvement de libération nationale dans son ensemble a toujours été porteur, et dont il s’est toujours efforcé de créer les conditions de la concrétisation. Alors, face à la situation critique dans laquelle se trouve aujourd’hui la Corse, et dans laquelle - sur le plan social, économique ou culturel - son peuple se débat, une question lancinante se pose: où sont vraiment les démocrates?

#157 – Cap’Articulu : Écueils et espoirs : les printemps d’un peuple

Il y a un an, le 21 mars, Yvan Colonna nous quittait, à l’orée d’un printemps dont il aurait sûrement souhaité qu’il fût celui du réveil, le réveil d’un peuple en qui il plaçait son éternelle confiance, son peuple. Pour ce combat auquel il a consacré sa vie, pour un avenir de dignité et de liberté, pour qu’éclate une vérité qui ne sera que le fruit de nos luttes, pour la libération de tous les patriotes, pour que tous les printemps deviennent ceux du peuple et de la nation corses enfin libres et souverains, les Corses savent qu’ils doivent rester plus que jamais mobilisés. Ils doivent également se rendre collectivement inaccessibles à toute forme de découragement; c’est ce qui fait la force d’un peuple, permettant de dépasser les limites de l’action individuelle, aussi courageuse soit-elle. C’est ce qu’il convient d’opposer en permanence à la violence institutionnelle d’un système étranger qui continue à nier jusqu’à l’existence de ce peuple, et qui, tout en éloignant chaque fois que possible la perspective de véritables négociations, poursuit ses manoeuvres visant à éradiquer toute forme de résistance nationale. Depuis les dernières arrestations de responsables et militants de Corsica Libera, dont le caractère tout aussi arbitraire que politique n’a échappé à personne, les manœuvres d’intimidation se poursuivent avec des interpellations qui touchent toute une jeunesse engagée, et des convocations tous azimuts ciblant notamment les compagnes ou mères de militants indépendantistes. Ainsi se poursuit une politique des otages que nous ne connaissons que trop, par ailleurs parfaitement illustrée aujourd’hui par le cas de Carlu Pieri qui ne connaît aucune évolution favorable malgré de graves problèmes de santé avérés et dûment constatés. La pression est maintenue en permanence sur une jeunesse dont on veut étouffer dans l’œuf tout esprit de juste révolte, et sur des familles entières. Non seulement ces choix délétères nous éloignent systématiquement d’une solution politique pérenne dont le mouvement de libération nationale avait été le seul à réunir jusqu’ici tous les ingrédients, mais, de plus, ils créent les conditions objectives pour que la seule voie de salut, et de respect de la démocratie réelle pour le peuple corse, ne soit celle d’un conflit auquel on avait pourtant toutes les possibilités de mettre un terme. Dans ce contexte, le redéploiement de certains moyens de lutte, répondant à la violence politique de l’Etat français et des relais locaux de sa stratégie funeste, apparaît comme la conséquence logique et inévitable d’une situation artificiellement entretenue. Ici, l’inconséquence et les calculs bassement politiciens, ainsi que les intérêts financiers immédiats liés à une spéculation débridée, convergent pour faire la part belle à une démarche de plus en plus agressive de mise au pas de toute la société corse, et notamment de ses forces les plus vives. La volonté manifeste de marginaliser et de criminaliser le courant indépendantiste procède de ces orientations néfastes, qui ne sont certes pas nouvelles, et qui seront tout aussi vaines que par le passé, car elles se heurteront toujours à la conscience nationale de tous les patriotes sincères. La période qui s’ouvre devant nous sera donc assurément, pour la Corse et les Corses, celle de tous les écueils, mais aussi celle de tous les espoirs, et de toutes les luttes, avec pour objectif principal, l’avènement d’une ère de paix véritable, celle d’un peuple libre dont les droits nationaux seront enfin respectés.

Ferraghju #156 – Cap’Articulu : Otages

Depuis toujours la politique de l’Etat français s’est caractérisée en Corse par des mécanismes visant à imposer un traitement uniformisant le paysage humain, et niant les réalités culturelles, historiques, sociologiques de tout un peuple à qui l’on refuse obstinément, aveuglément même, de reconnaître une existence à part entière. Ces données suffiraient à elles seules à prouver le caractère colonial des rapports de sujétion auxquels on veut astreindre les Corses, même si dans certaines sphères - qui participent objectivement à une « déconstruction » délétère du discours national - le terme de colonialisme est réservé à d’autres: nier la réalité des faits, c’est désarmer le peuple, et renoncer aux seules luttes susceptibles de lui permettre enfin d’accomplir son destin national. Mais si la situation actuelle n’est toujours pas débloquée, tournant en permanence le dos à une réelle solution politique pourtant à portée de main, on le doit sans doute à la pression constante que les Corses subissent et qui fait d’eux de perpétuels otages. Les premiers de ces otages sont les patriotes, régulièrement détenus dans des conditions qui les exposent au pire, chaque moisson répressive permettant de renouveler un contingent qui correspond au courant d’opinion que l’on s’efforce de museler : Corsica Libera vient à nouveau d’en faire tout récemment les frais, l’Etat français ciblant systématiquement ceux qui, eux, ne renoncent pas à la nation. Ce ne sont pas les libérations ou demi libérations de militants qui auraient dû bénéficier de ces mesures depuis longtemps qui infirmeront cela, bien au contraire. Mais les Corses sont également otages d’intérêts « économiques » étrangers, qui maintiennent notre pays dans un Etat de dépendance mortifère, otages de grilles de lecture en totale inadéquation avec ce que nous sommes, otages d’une sur-administration hors sol et de ses décisions ubuesques, otages d’une fiscalité inadaptée qui nous dépossède, inhibe tout élan de développement réel au service de notre peuple, et consacre le règne de la spéculation sous toutes ses formes au détriment de la création de vraies richesses à partager. Ils sont enfin otages de tous les discours qui, empruntant aux dogmes importés, ou aux modes du moment, les détournent de la seule lutte qui vaille, celle qui, de tout temps, et sous tous les cieux, a permis aux peuples de se libérer et d’assurer leur avenir, celle qui, au delà de tous les déterminismes hypothétiques, donne à l’Histoire tout son sens : la lutte pour la liberté et l’indépendance nationale. Plus immédiatement et de manière très concrète, reste à réaffirmer une stratégie de lutte à opposer à cette agression multiforme, tout en favorisant les orientations les plus vertueuses - que nous avons d’ailleurs définies dans la plupart des domaines - chaque fois que possible: les signaux de soumission, le recul des idées, l’édulcoration des revendications fondamentales, sont à bannir. Pas seulement pour des questions évidentes d’éthique, mais aussi par souci d’efficacité, comme cela a été démontré à maintes reprises. Le peuple corse ne se laissera pas endormir et « accompagner » jusqu’au déclin : sa jeunesse en porte déjà le témoignage. Et demain les forces vives, authentiquement patriotiques, ne pourront que converger pour faire face à toutes les prises d’otages auxquelles le colonialisme français continuera de nous confronter.

Ghjennaghju #155 – Cap’Articulu : Liberté, vérité, dignité : la voie de la lutte

L’année 2023 a commencé en Corse dans une atmosphère lourde. L’offensive répressive menée contre Corsica Libera, dont tous les observateurs honnêtes ont souligné le caractère politique et arbitraire, s’ajoute aux autres signaux négatifs que l’Etat français ne cesse d’envoyer à la Corse, depuis le début de cette tartuferie que d’aucuns s’ingénient encore à qualifier de « processus ». Pendant que les mots Pace è Salute, aspirations aussi universelles que légitimes, étaient sur toutes les lèvres, des patriotes, dont le seul tort est de ne pas accepter le sort fait à leur pays, subissaient les conséquences de ces manoeuvres. Le maintien en détention, à l’occasion d’une procédure incidente, malgré son état de santé, et qui plus est dans une prison française, de Charles Pieri s’inscrit certainement dans cette logique. Les campagnes calomnieuses, relayées dans certains médias par des billets directement dictés par la place Beauvau, dont la dernière conférence de presse de l’association Sulidarità a mis en évidence le caractère grotesque ainsi que la finalité mortifère, poursuivent quant à elles le même sinistre objectif: faire le lit de toutes les manipulations, de tous les coups tordus, pour permettre à l’Etat d’en finir avec le courant qui ne renoncera jamais à faire de la Corse un pays libre et souverain, et à assurer à son peuple la reconnaissance qui lui est due, au même titre - c’est à dire ni plus ni moins - qu`à chaque peuple de la planète. Dans ce contexte plus que trouble, le « secret défense », tout récemment évoqué concernant l’assassinat d’Yvan Colonna, vient contredire ceux qui continuent à croire, ou à tenter de faire croire, que la vérité dans cette affaire viendra des institutions françaises. Plusieurs décennies n’ont pas permis de lever le voile sur des sujets qui pourraient gêner, et qui ont pourtant fait l’objet d’analyses, de recherches et d’investigations sérieuses, menées, elles, par de véritables militants de la vérité - certains étaient des journalistes d’ailleurs - dont il faut saluer le courage. Quand un temps suffisamment long s’est écoulé, un gouvernement ouvre généreusement l’accès à des archives qui, le plus souvent, ne mettent à jour que des notes administratives sans intérêts, ou l’implication de quelques lampistes la plupart du temps déjà disparus. De l’assassinat d’un Thomas Sankara à l’ « accident de la caravelle Ajaccio-Nice », les mécanismes de dissimulation et de détournement de la vérité restent les mêmes, répondant à l’« omertà » d’un système dont le seul but est de sauver les apparences plutôt que la démocratie. Les seuls moments où la machine se grippe, et où les gardiens du mensonge d’Etat sont en difficulté, c’est lorsqu’ils sont pris la main dans le sac, comme à l’époque des évènements de Bastelica-Fesch, ou des provocations du Préfet Bonnet, par exemple. On parlera aussi volontiers de ce qui s’est passé il y a trente ans, en jurant ses grands dieux de faire toute la lumière dessus: cela présente le double avantage de donner l’illusion d’un fonctionnement démocratique... Et de taire ce qu’on est en train de faire, à l’heure où l’on attire toute l’attention ailleurs. C’est à ce cynisme que le peuple corse doit faire face. La vérité, la liberté, la dignité ne seront que l’aboutissement de ses luttes. Mais ça, au fond de lui, et quelles que soient les manoeuvres dilatoires visant à le lui faire oublier, il le sait depuis toujours.

Dicembre #154 – Cap’Articulu : Renforcer le courant qui ne cédera jamais

Les dernières exactions répressives de la police politique française dans notre pays ont bien démontré, de nouveau, une volonté obsessionnelle de réduire avant tout la libre expression de l’idée nationale corse. Incarcérer, une fois encore, un responsable historique comme Charles Pieri grâce à une procédure incidente, cibler, sans aucune retenue, un mouvement politique, dont on perquisitionne les locaux et contre lequel on procède à de véritables kidnapping de militants au petit matin, pour les interroger pratiquement exclusivement sur le fonctionnement de leur parti, traduit une démarche d’intimidation aussi cynique que vaine. Cynique, parce qu’elle a toutes les caractéristiques des pressions exercées par des régimes dictatoriaux, tout en se prévalant d’un « état de droit » qui, en Corse, consacre chaque jour un peu plus le droit, pour l’Etat, de faire tout et n’importe quoi. Vaine, parce que si ces manœuvres ont tout de l’acharnement, elles n’ont rien d’original : des décennies de lutte, et de coups tordus dont l’Etat français s’est rendu régulièrement coupable ici, nous ont collectivement habitués à être inaccessibles à toute forme de découragement. Et aujourd’hui cette force a diffusé et s’est transmise, malgré tout ce qui a été entrepris pour l’étouffer, car, au delà des individus et des générations, elle est l’inaltérable élan de vie d’un peuple qui a un destin national à accomplir. Mais tout cela ne survient pas par hasard: en 2018, le mouvement national uni venait d‘obtenir la majorité absolue des suffrages corses sur la base d‘un projet clairement national. À ce moment-là, rien ne semblait pouvoir arrêter cette démarche. Devant le problème grave que cette situation lui posait, Paris à mis au point sa stratégie de riposte: diviser le mouvement national en engageant des pourparlers avec une partie de celui-ci (“les gentils“ dans la terminologie de Darmanin), afin d‘écarter “les méchants“ des responsabilités institutionnelles, puis dans un deuxième temps de les réduire par la répression. Non sans avoir, au préalable, entrepris une sournoise campagne de criminalisation, par le dénigrement systématique de certains de nos responsables. Cela n’aurait pu avoir lieu sans que le pouvoir exécutif actuel à l’Assemblée de Corse ne se laisse circonvenir. Ce qui, au delà d’un problème éthique certain, constitue une faute grave devant l’Histoire : celle d’avoir affaibli la Corse face à un État dont l’attitude aussi fermée que méprisante se nourrit de chaque signal de soumission qu’on lui adresse. Contrairement à certaines assertions, visant à masquer l’âpre réalité, le problème aujourd’hui n‘est pas la présence de prétendus “faucons“ à Paris (ils y ont toujours été majoritaires). Le problème est que certains, en Corse, aient été convaincus de jouer contre leur camp. Il est temps pour eux de changer de stratégie et de le faire clairement. Les Corses, quant à eux, ont bien saisi le caractère ubuesque des dernières mises en examen de nos militants, qui font de tous les Corses conscients d’être un peuple une vaste association de malfaiteurs. Ils savent que c’est notre mouvement et les idées qu’il exprime qui sont directement et exclusivement visés. Ils savent qu’en l’occurrence l’Etat français ne se trompe pas de cible, même si son erreur de toujours est de tourner le dos à une véritable solution politique. Mais ils connaissent aussi notre capacité à faire face; ils ont exprimé par les mobilisations de ces derniers jours, une indéfectible solidarité dont l’affluence observée lors de la dernière soirée de soutien aux prisonniers politiques n’est qu’un exemple. Ils ont conscience que le seul espoir pour les Corses de pouvoir maîtriser un jour leur avenir en tant que peuple à part entière passe par le renforcement durable d’un courant qui a traversé bien des épreuves, qui est capable de se régénérer en permanence, et qui ne cédera jamais. Non, l’Etat français ne s’y est pas trompé. Quant aux Corses, ils savent donc aujourd’hui ce qu’il leur reste à faire.
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