De l’assimilation à la disparition : l’exemple français par Jean-Michel Brun

“ L'assimilation, par sa fonction de destruction des cultures locales a été un instrument d’abrutissement des populations indigènes, de manière à en faire de la main d’oeuvre bon marché pour les entreprises coloniales. Et l’un des leviers de cette « déculturation » a été l’interdiction d’utiliser les langues locales à l’école au profit du seul français. " Le mot « assimilation » a possédé, pendant assez longtemps, une connotation plutôt positive. Elle fut même revendiquée par des responsables autochtones, notamment dans ce qu’on appelait les « vieilles colonies » françaises. Ceux-ci considéraient que l’assimilation consistait simplement à faire des habitants des régions colonisées des citoyens français à part entière, sans régime d’exception, et sans discrimination. Cette « assimilation » était par conséquent, selon eux, une forme de « décolonisation », qui contrastait avec la politique coloniale britannique plus différentialiste, C’était également la position de Victor Schœlcher, partisan du colonialisme, mais adversaire de l’impérialisme. Cette perception de l’assimilation s’est illustrée par le vote de la loi d’assimilation juridique de 1946 portée par les députés autochtones Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès. Cette loi conduisit à la transformation des régions colonisés en départements et territoires d’outre-mer français. Une telle approche peut étonner aujourd’hui tant elle paraît candide. Il faut juste se souvenir qu’au 19e siècle, le fait de s’emparer d’une terre lointaine et de ses ressources naturelles, puis de réduire sa population en était d’esclavage ou de quasi-esclavage était considérée comme quelque chose de naturel. Cette vision naïve fut naturellement démentie par la révélation, souvent tardive, des réalités de la colonisation, comme par exemple les atrocités commises lors de la colonisation de l’Algérie. L’assimilation fut en réalité une assimilation sous condition. Vous serez des citoyens à part entière si, et seulement si, vous abandonnez vos propres traditions et cultures ancestrales pour vous fondre dans la culture dominante du colonisateur. Car sous des concepts comme ceux de « départementalisation », ou d’égalité des droits se cachait la volonté, beaucoup moins avouable, de faire disparaître les cultures autochtones auxquelles on refusait d’ailleurs le qualificatif de cultures. On passe ainsi de l’assimilation à l’injonction d’assimilation. Au dela de la caricature de « Nos ancêtres les gaulois » imposées aux Africains et aux Antillais, il y a le drame d’un effacement pur et simple de la mémoire des peuples au nom de la légitimation du fait colonial. De l’assimilation à la disparition. En effet, au milieu du 19e siècle, l’opinion publique commence à être nourrie des principes républicains de Liberté, d’égalité et de fraternité. L’esclavage est définitivement aboli en 1848 par Victor Schœlcher, et il faut trouver des justifications « avouables » au colonialisme. Ce sera la « mission civilisatrice de la France », prônée par Jules Ferry qui, en 1845, prononcera ce fameux discours devant l’Assemblée nationale : « Les races supérieures ont des droits vis à vis des races inférieures. Elles ont aussi un devoir, celles de civiliser les races inférieures ». Un concept qui sera repris plus tard par Antoine Pinay lorsque la délégation française quittera la séance de l’ONU à propos de la guerre d’Algérie où il s’exclamera « Nous n’accepterons jamais que l’on remette en cause la mission civilisatrice de la France ». En réalité, en utilisant le concept d’assimilation, ces apôtres du colonialisme ne font que reprendre une théorie née au Siècle des Lumières. Avant même la Révolution française, Condorcet expliquait que « Les peuples d’Amérique, d’Afrique, d’Asie et d’autres contrées lointaines semblent n’attendre que d’être civilisés et de recevoir de notre part les moyens de le devenir ». L’idée que l’assimilation était une forme de décolonisation fut violemment contredite par le « Code de l’indigénat» de 1881, qui distinguait deux catégories de citoyens: les « citoyens » français (de souche métropolitaine) et les « sujets » français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens, etc., ainsi que les travailleurs immigrés. Les « sujets » français soumis au Code de l'indigénat étaient privés de la majeure partie de leur liberté et de leurs droits politiques. Ce statut s’apparentait en fait à un esclavage déguisé des populations autochtones qui se trouvaient dépouillées de leur identité. En réalité, cette mission civilisatrice n’avait pour raison d’être que celle d’être la vitrine d’un dessein beaucoup moins honorable : celui du pillage sans vergogne des ressources naturelles des pays colonisés. Par ailleurs, contrairement à l’exemple britannique où l’octroi d’une autonomie fut le prélude naturel à la décolonisation, en France, il n’était plus question de décolonisation dans les territoires assimilés, et si l’un d’eux prétendait se séparer de la métropole, il n’y avait pas décolonisation, mais séparatisme et partition, justifiant une répression impitoyable. Si cette injonction d’assimilation prit des formes théâtrales, comme le dévoilement des femmes algériennes en 1958, elle eut pour conséquence dramatique l’anéantissement des cultures, la destruction des écoles. En 1838, le Capitaine Rozier, qui commandait une troupe de soldats français en Algérie écrivait : « Presque tous les hommes algériens savent lire et compter, ainsi les soldats qui débarquent sont en général moins instruits que les sauvages qu'ils viennent civiliser ». A cette époque, 92% des enfants algériens étaient scolarisés alors que France comptait 40% d’analphabètes. Cent ans plus tard, en 1950, 92% des enfants indigènes de 10 à 14 ans étaient illettrés. Tel est le résultat de l’assimilation. L’assimilation, par sa fonction de destruction des cultures locales a été un instrument d’abrutissement des populations indigènes, de manière à en faire de la main d’oeuvre bon marché pour les entreprises coloniales. Et l’un des leviers de cette « déculturation » a été l’interdiction d’utiliser les langues locales à l’école au profit du seul français. Assimilation versus intégration Or, aujourd’hui, l’injonction d’assimilation refait surface, ressuscité par la droite française, majoritairement nostalgique du colonialisme. Alors qu’elle s’appliquait jadis aux populations extérieures qu’on envahissait, elle s’applique aujourd’hui aux populations françaises que certains voudraient bien voir partir, à moins qu’elles n’acceptent d’effacer toute trace de la culture de leurs aïeux, quand bien même elles seraient nées en France, de parents français. Ce qu’on n’a pas réussi à faire de l’autre côté de la Méditerranée, on le tente à nouveau sur le territoire de la métropole. « À Rome, habille-toi comme les Romains », lançait le polémiste de droite, ancien candidat à la présidence de la République, Eric Zemmour, lors d’un débat télévisé où il était question de hijab et de djellaba. « Votre prénom est une insulte à la France », lançait encore l’extrémiste à la journaliste Hapsatou Sy. Cette idéologie se retrouve dans les discours des suprémacistes qui vantent de soi-disant « aspects positifs de la colonisation », reprenant les fantasmes de la « mission civilisatrice ». Ce qui est interessant, c’est que l’un des instruments majeurs de l’assimilation coloniale a été l’école. Les écoles coloniales utilisaient des manuels extrêmement simplifiés destinés, non à faire des élèves indigènes des citoyens français, former des élites, mais au contraire fabriquer de la main d’oeuvre utile au système colonial, et convaincre les jeunes, et leurs parents, des bienfaits de celui-ci. Comme l’affirmait le député socialiste Albert Sarraut en 1923, « Chacun doit rester à sa place, dans sa classe et sa race ». Or c’est exactement la même chose qui se passe aujourd’hui. Là où les « Carnets de correspondance » des élèves s’ouvraient il y a 30 ans sur des principes de morale, ils sont aujourd’hui introduits par des discours sur la laïcité, ce qui est une manière de viser indirectement les cultures qui donnent une place importante à la spiritualité. Par ailleurs, les conseillers d’orientations dirigent presque systématiquement les jeunes ayant une « origine » vers les filières professionnelles alors que les enfants « blancs » de même niveau sont aiguillés vers les filières générales. Il existe en France un lien très étroit entre cette injonction d’assimilation, qui fut d’abord portée par le président Nicolas Sarkozy et reprise aujourd’hui par le ministre de l’intérieur Gerald Darmanin, et l’islamophobie, même si cette injonction vise également d’autres populations. La question du foulard porté par les musulmanes fait encore la une de l’actualité 25 ans après la polémique des jeunes filles de Creil, de même que le port du burkini ou la stigmatisation des sportifs pratiquant le Ramadan. Des députés français ont même suggéré l’interdiction de l’enseignement de la langue arabe à l’école. L’idée d’assimilation a fini par se substituer à celle d’intégration. Or l’assimilation est une double erreur. Du côté de l’immigré, c’est une véritable agression, un déni d’identité culturelle, une attitude méprisante et condescendante qui consiste à dite « ta culture est médiocre et n’a pas d’importance par rapport à l’immense culture du pays qui t’accueille. Abandonner tes traditions, ce ne sera pas une grande perte pour toi ». Du côté du pays d’accueil, c’est se priver de la richesse intellectuelle de l’immigrant (qu’il soit de 1ere ou de 5e génération). Cela fait perdre paradoxalement à l’immigration tout intérêt pour le pays d’accueil. En tous cas, la condescendance affichée de certaines élites françaises à l’égard des arabes et des africains fait que la France est aujourd’hui expulsée de tous les territoires où elle était jadis solidement implantée, notamment en Afrique. La culture française fait à son tour l’objet d’un rejet, la langue française est de moins en moins parlée dans le monde, alors que, ironie du sort, le concept français d'assimilation était justement fondé sur l'idée d'étendre la culture française dans les colonies. On oublie trop souvent que la culture française tire une grande partie de sa richesse des apports étrangers. Depuis les savants, architectes et médecins arabes du moyen-âge aux peintres espagnols et russes du XXe siècle, la France doit presque tout aux cultures venues d’ailleurs. L’idée d’assimilation est associée à celle de la supériorité supposée d’une culture sur l’autre, la seconde devant s’effacer devant la première. Une absurdité lorsqu’ont voit les grandes réussites du multiculturalisme, comme aux Etats-Unis ou à l’Azerbaïdjan. Comme le rappelait Leopold Sedar Senghor : « toute civilisation est un métissage » ----------------------------------------------------------------- Biographie de Jean-Michel Brun Journaliste et cinéaste, a effectué de nombreux reportages pour les grands magazines d'information des télévisions françaises et étrangères. Spécialiste du monde arabo-musulman, il publie, dans plusieurs journaux et magazines français et internationaux, des articles et documentaires sur les pays du Golfe, le Caucase, l'Asie Centrale et l'Europe.

Lugliu #167 hè quì !

A FRANCISATA BASTA : populu corsu elettori corsi NAZIONE Elezzione legislativi Cunfarenza di stampa Refonte du corps electoral et démarche internationale à l’ONU - La colonisation française de la Corse : Intervention de Jean-Guy Talamoni - Discours de Jean-Marc Rodriguez GHJURNATE INTERNAZIUNALE i 3 è 4 d’Aostu in Corti U Prugramma STORIA Prucessu di i militanti di u FLNC U 14 di ghjugnu 1979 ---Pour les abonnés, choisissez simplement "ajouter au panier" puis confirmer votre commande dans votre panier. Vous pourrez directement le télécharger.  www.uribombu.corsica

Cap’Articulu #167 : “ Galoppa cavallu sfrenatu…”

“ Galoppa cavallu sfrenatu Sì di populu natu È sta terra hè a toia. À galuppà, à galuppà Sin’à lampalli ind’u mar’ " Canta u Populu Corsu « Vous me parlez corse, ce n’est pas correct »: sta cacciata fatta ind’è un dibattitu puliticu da una candidata francese di u RN ci face vede à chì puntu ne simu ghjunti oghje in Corsica. A carnavalata contrastagione ch’ella hè stata st’ultima elezzione legislativa deve fà capì à tutti a necessità di definisce oghje più ch’è mai un corpu eletturale corsu, leghjittimu, chì pigli in contu a nostra realità di populu. È chì ci pirmetti di fà campà una vera demucrazia induve ognunu averà a pussibilità di sprime ciò ch’ellu pensa esse u megliu pè u bè cumunu; è duve i voti di i Corsi seranu infine rispettati, è appiecati. Ciò chì si passa ind’è noi s’assumiglia à ciò chì ghjustificheghja a rivolta attuale in Kanaky : a culunizazione di pupulamentu - è dinù di certi cerbelli tocchi da tamantu francisume - sò e piaghe cunnisciute di u culunialisimu. E nostre intervenzione à u livellu internaziunale diventanu tandu più ch’è necessarie da fà sapè à u mondu sanu ciò ch’è u Statu francese cuntinueghja à impone à lu nostru populu. A Francia ùn ricunnoscerà mai da per ella i diritti, o ancu puru l’esistenza, di u nostru populu. Tocc’à noi à cumpurtacci da populu in casa nostra, fendu fronte contr’à tutte e pratese straniere chì ci volenu poc’à pocu sottumette à i so usi, à e so legge chì ci lampanu fora d’ind’è noi, à e so scimità chì neganu a nostra cultura prufonda è a nostra prussimità di populu mediterraneu. Da a Kanaky à a Corsica, passendu da tutte l’altre culunie di un imperu anacronicu è dicadente, a ripressione è a viulenza di u Statu francese contr’à i nostri populi ùn puderà fà piantà e nostre lotte, e nostre brame di ghjustizia è di libertà. Al dilà di e so origine, tutti quelli chì sò sinceramente ligati da stu sintimentu naziunale, spartenu sta vuluntà irrimuvevule di fà campà u nostru populu, sola cumunità di dirittu in terra corsa, da una generazione à l’altra. U nostru destinu, ch’ella sia chjara pè tutti, ùn pò esse ch’è un destinu naziunale è corsu. È sempre c’impetteremu cù tutti quelli chì ci vuleranu impedì di prununzià parolle dolce cum’è Mamma, Babbu, Terra, Nazione in lingua nustrale. « Sin’à lampalli tutt’in mare »

Hè esciutu u #166 !

https://uribombu.corsica/produit/n166-aprile-maghju-2024/ Nazione : Speculazione in ulmetu Mubilizazione è cunfarenza di stampa Dossier Kanaky - La refonte du corps électoral, passage obligé vers l'émancipation - Interview : Mickael Forrest, ministre du FLNKS - De la Kanaky à la Corse, la stratégie coloniale contre la liberté des peuples. U Ribombu Internaziunale - Charité bien ordonnée..."344 millions d'euros" POUR QUOI FAIRE...? - Ci hè da ride : Ange rovere revisite l'histoire Sindicatu di i Travagliadori Corsi - 40 anni di lotte suciali discorsu di Fred Bagnaninchi Storia - Consulta d'Orezza U 18 d'aprile 1734 - Pasquale Paoli, U Ritornu Aprile 1755 - I martiri di Ponte Novu, L’ottu di maghju 1769 Cultura - A Casa di Zia Mattea, a cultura in u cruzzini

Cap’Articulu #166 : Un projet national, contre la mise au pas de tout un peuple.

“ Ce dont la Corse a besoin, plus que jamais, c’est d’un mouvement national fort dans toutes ses composantes, ainsi que de contre-pouvoirs - dont l’Assemblée de Corse doit faire partie - qui s’opposent résolument au rouleau compresseur colonial par tous les moyens. " Comme le souligne un récent communiqué du mouvement NAZIONE, la volonté affichée par l’Etat français de mettre au pas toute la société corse n’aura jamais été aussi forte qu’en ce moment. Au-delà de la répression qui cible avec cynisme et brutalité les militants de la cause nationale, c’est aux liens de solidarité et à cette proximité, qui nous permet en réalité de faire la part des choses, que l’on s’attaque. En Corse, aujourd’hui, comme dans n’importe quelle colonie du 19ème siècle, l’Etat croit pouvoir tout se permettre. Des contrôles routiers de plus en plus agressifs, sur fond de propos racistes anti-Corses, à la bavure assassine, en passant par l’interpellation - à grand renfort médiatique - d’un homme d’église pour un simple contrôle fiscal, tout est fait pour « civiliser » notre « communauté ». Cette campagne qui ne dit pas son nom n’est possible qu’auprès d’une population anesthésiée par des discours de soumission et d’auto-flagellation permanente qui laissent la puissance tutélaire étrangère seule arbitre de nos problèmes de société. Ceux qui nient le fait colonial comme la dimension authentiquement nationale d’un combat de libération d’un demi-siècle, ceux qui appellent de leur vœux davantage de pouvoirs pour un appareil policier et politico-judiciaire dont l’action sera toujours dirigée contre les libres choix des Corses, ceux qui s’accommodent des miettes que leur réserve un système qui nie les droits fondamentaux - voire l’existence même - de leur propre peuple, tous ceux-là, sont objectivement partie prenante de cette démarche mortifère. Il est donc grand temps de sortir de la torpeur actuelle dans laquelle continuent de nous plonger de pseudo discussions qui, telles les lettres de Choiseul à Pasquale Paoli, ne font pour l’heure que détourner l’attention, pendant que les grandes manœuvres de « normalisation » se déploient contre nous, et ce que nous sommes depuis toujours; en fait, contre tout ce que nous avons le droit - et à ce jour l’impérieux devoir - d’être, au nom de la mémoire mais aussi, et surtout, de l’avenir. Aujourd’hui, la Corse n’a certainement pas besoin du programme commun d’une gauche française niant notre réalité de peuple et de nation, ni d’une approche « identitaire » calquée sur l’extrême droite bien française, elle aussi, et qui n’a rien à voir avec le nationalisme corse dont elle peut, paradoxalement mais par opportunisme, se réclamer. Pas plus qu’elle ne trouvera de salut dans l’action politicienne d’une droite, très française toujours, qui ouvre la voie à une « désanctuarisation » programmée de notre terre et au diktat des forces de l’argent qui dépossèdent chaque jour un peu plus les Corses dans leur propre pays. Non, ce dont la Corse a besoin, plus que jamais, c’est d’un mouvement national fort dans toutes ses composantes, ainsi que de contre-pouvoirs - dont l’Assemblée de Corse doit faire partie - qui s’opposent résolument au rouleau compresseur colonial par tous les moyens. Et qui porte un ambitieux projet national, véritable alternative à la dépendance qui nous ruine et nous détruit en tant que peuple, de moins en moins lentement, de plus en plus sûrement. NAZIONE sera l’instrument de cette stratégie assumée, et validée lors de son Assemblée Générale constitutive, car c’est là sa raison d’être.

U vostru Ribombu #166 hà da esce !

Nazione : Speculazione in ulmetu Mubilizazione è cunfarenza di stampa Dossier Kanaky - La refonte du corps électoral, passage obligé vers l'émancipation - Interview : Mickael Forrest, ministre du FLNKS - De la Kanaky à la Corse, la stratégie coloniale contre la liberté des peuples. U Ribombu Internaziunale - Charité bien ordonnée..."344 millions d'euros" POUR QUOI FAIRE...? - Ci hè da ride : Ange rovere revisite l'histoire Sindicatu di i Travagliadori Corsi - 40 anni di lotte suciali discorsu di Fred Bagnaninchi Storia - Consulta d'Orezza U 18 d'aprile 1734 - Pasquale Paoli, U Ritornu Aprile 1755 - I martiri di Ponte Novu, L’ottu di maghju 1769 Cultura - A Casa di Zia Mattea, a cultura in u cruzzini

Marzu #165 hè esciutu

https://uribombu.corsica/produit/n164-marzu-2024/ U Ribombu Internaziunale #165 : U Prugramma Riportu ritrattu da Crystal Pictures di a manifestazione è di u cuncertu di Gruppu L'arcusgi Nazione Cunfarenza di stampa in Aiacciu La commission des finances en Corse Jean-Guy Talamoni : Interview U Ribombu Internaziunale L'affissi di a vergogna : Les méthodes demeurent Sulidarità/Patriotti Serata per a Ghjurnata internaziunale di i prighjuneri pulitichi in Lupinu : 13 d'aprile 2024 Internaziunale Sardegna : Simone Maulu, intervista Catalunya : Carles Puigdemont i Casamajó, candidat aux élections municipales Suceta Salon de l'agriculture 2024 : au coeur du village corse (par Alexandra Bischof)

#165 : L’avvene sì tù

La situation actuelle semble être marquée par une profonde confusion, dont on peut suspecter qu’elle soit savamment entretenue par des forces qui n’ont aucun intérêt à ce que la Corse se libère de la dépendance qui, chaque jour un peu plus, la tire vers l’abîme. Ce que l’on peut appeler le parti français, dans l’acception la plus large du terme, a perdu ses bases structurelles habituelles, et les partis politiques, qualifiés - de manière erronée - de « traditionnels », ne suffisent plus à endiguer l’essor d’une revendication nationale contre laquelle les armes de la répression, du mensonge et de la colonisation de peuplement sont réactivées en permanence, sur fond de pseudo discussions cadenassées, érigées en « processus historique ». Le parti français, donc, « parti de l’étranger » pour tout patriote corse qui se respecte, se redéploie sous d’autres formes, allant d’une des franges de l’ « autonomisme » dont le but reste d’ancrer définitivement la Corse dans le cadre de la République française jusqu’au régionalisme zémourien d’extrême droite se satisfaisant d’une « suzeraineté française » plaçant les Corses dans la position d’un « sous-peuple » voué à la mise sous tutelle. En n’oubliant pas les schémas importés d’une gauche bien française qui nient notre réalité nationale. Même si certaines de ces démarches s’en réclament, par pur souci politicien et électoraliste, il ne s’agit clairement pas ici de nationalisme corse. Mais bien de convergences qui lui sont directement opposées. Toutes les forces vives attachées à faire accomplir à la Corse son destin national l’ont bien compris. Au premier rang desquelles une jeunesse vilipendée, décriée, et régulièrement insultée par ceux qui, reprenant les arguments de la CFR de triste mémoire, la disent manipulée. Et la livrent aux chiens, en même temps que tous ceux qui se battent vraiment pour ce pays, en se félicitant des diverses tentatives de marginalisation qui les visent. Jusqu’à condamner tout geste de révolte légitime ou de résistance nationale, le décrivant comme une « violence politique » illégitime. En oubliant, au passage, la véritable violence que subit un peuple ravalé de manière infamante au rang de « communauté » dans son propre pays, un peuple qui, en terme de répression politique, a connu à peu près tout, jusqu’à l’assassinat. Mais cette jeunesse, fer de lance de la nation, qui n’attend d’ordres de personne, et qui a démontré sa maturité autant que sa détermination, est l’espoir de tout un peuple. Dans tous ses efforts pour étudier, travailler, lutter, elle sait bien qu’elle peut compter sur l’indéfectible soutien des forces authentiquement patriotiques. Lascia li dì o giuventù. Più ch’è mai l’avvene sì tù.

Petru Antone Tomasi : Nazione, ripressione, beauvau

U RIBOMBU : Le 28 janvier dernier, Nazione était portée sur les fonts baptismaux par plusieurs centaines de militants, en quoi la création d’un nouveau mouvement politique est-elle apparue comme indispensable ? Ces derniers mois, une volonté partagée s’est exprimée afin de doter le courant indépendantiste d’un nouvel instrument de lutte, adapté aux défis que connaît actuellement notre pays. Aussi, en des termes différents mais convergents, Corsica Libera, le collectif d’anciens prisonniers Patriotti ainsi que le FLNC ont appelé à la création d’un regroupement large des militants de la Lutte de Libération Nationale partageant à la fois un constat critique de la situation politique de la Corse, des objectifs communs mais aussi une détermination sans faille afin d’oeuvrer pour une solution politique réelle au bénéfice du peuple corse et de ses droits. C’est ainsi qu’est née Nazione : un mouvement politique qui intègre la réalité militante qu’a été Corsica Libera durant près de quinze années mais qui va bien au-delà ainsi qu’en témoigne la composition de ses instances. Deux jours plus tard, sur ordre du Parquet national antiterroriste (PNAT), deux militants de Nazione étaient interpellés, transférés à Paris et - provisoirement - incarcérés, quel lien établissez-vous entre ces deux événements ? Un lien évident ! Ces interpellations arbitraires et outrancières (portes défoncées à l’explosif, père de famille jeté au sol devant sa famille, jeux d’enfants intentionnellement détruits…) sont une réponse de l’appareil d’Etat au succès de l’Assemblée générale constitutive de Nazione. Elles sont l’oeuvre d’une police politique aux ordres d’une justice politique qui vise à réprimer l’expression d’un mouvement public, Nazione, qui se situe dans une opposition résolue à la politique d’assimilation à marche forcée qui est aujourd’hui menée par l’Etat français et, malheureusement, avalisée par nombre de forces politiques dont certaines se revendiquent de l’idée nationale. Ces manoeuvres de déstabilisation sont cependant sans effet sur le déploiement de l’action de Nazione qui a d’ailleurs poursuivi sa structuration, la diffusion de son message politique et qui prépare l’intensification de sa présence sur le terrain. Pour en terminer sur le sujet de ces opérations répressives qui ont visé Nicolas Pinzuti et Antò Simoni, leur sortie de prison après respectivement quelques jours et trois semaines de détention confirme le caractère indigent des dossiers d’instruction et le caractère purement politique de leurs interpellations. Cependant, à l’heure où nous parlons ils sont certes hors des murs des prisons françaises mais ne sont toujours pas libres puisqu’assignés à résidence en France. Afin qu’ils retrouvent leur terre (à l’instar de Charles Pieri qui se trouve toujours dans une situation similaire depuis plus d’un an), la manifestation du 2 mars prochain organisée à l’initiative de Sulidarità et de Patriotti se doit d’être un succès populaire. Désormais, quelle est la feuille de route de Nazione ? Il s’agira de mettre en oeuvre les orientations débattues et massivement adoptées par les militants à l’occasion du vote de notre motion d’orientation générale : mise en place d’un cycle de mobilisation de terrain et de consolidation de la logique de contre-pouvoirs, poursuite de la stratégie d’internationalisation de la question nationale corse notamment à travers les contacts noués avec le Mouvement des Non-Alignés, présentation d’une offre de solution politique alternative à la farce des discussions de Beauvau, actualisation d’un projet indépendantiste robuste afin de répondre aux attentes quotidiennes des Corses et de préparer l’avènement de la République corse. En synthèse, l’action de Nazione a pour objectif de garantir l’accomplissement d’un destin national corse. Cette perspective nous apparaît salutaire à l’heure où les responsables autonomistes, à rebours du serment passé devant les Corses, structurent exclusivement leur action par le « dur désir de durer » à la tête des institutions corses. Cette formule du poète Éluard était convoquée par un ami indépendantiste catalan, il y a quelques temps, afin de qualifier le dévoiement de certains responsables du mouvement national en Catalogne. Elle me semble totalement transposable à la situation corse… À l’heure où le Ribombu est mis sous presse, une « déclaration solennelle » vient d’être signée [23.02.2024] par de nombreux élus de la Corse dans le cadre des discussions de Beauvau. Est-ce l’esquisse d’un « processus à vocation historique » ? Dès mars 2022 et la signature du Protocole Darmanin-Simeoni indiquant les « lignes rouges » imposées par l’Etat français et avalisées par les responsables du Cours Grandval, il n’y avait plus ni « processus historique », ni « solution politique » au conflit dans le cadre des discussions de Beauvau. La « déclaration solennelle » à laquelle vous faites référence ne change rien de fondamental à la donne politique et au constat établi par Nazione. Pour notre part, nous avons toujours jugé sur pièce l’évolution de ces discussions quant à une éventuelle évolution du statut de la Corse. Nous ne dérogeons pas à cette ligne et émettrons un avis définitif une fois que nous serons en possession d’un projet finalisé. Cependant, à ce stade, nous constatons que cette « déclaration solennelle » traduit un nouveau recul quant à la position défendue par la majorité territoriale et ses alliés. Le texte se situe déjà deux niveaux en-deçà de la délibération du 5 juillet que Josepha Giacometti-Piredda n’avait pas approuvée au titre du courant désormais incarné par Nazione, et ce avant même le début effectif des discussions avec Paris sur la rédaction d’un texte constitutionnel. De façon tangible, ladite déclaration se conforme explicitement aux « lignes rouges » ou « principes intangibles de la République française » fixées par le gouvernement français en renonçant à trois principes fondamentaux de la lutte nationale, au moins : pas de peuple corse et de reconnaissance de ses droits nationaux mais une simple « communauté » peuplant « l’île de Corse » ; pas de co-officialité de notre langue mais l’acceptation d’un « service public de la langue » ; pas de citoyenneté corse conférant au peuple corse le « droit d’avoir des droits » - selon l’expression d’Hannah Arendt - spécifiques sur sa propre terre. Or, ces renoncements n’ont pas seulement une portée symbolique, donc politique, ils ont également une conséquence pratique puisqu’ils neutralisent la capacité future du peuple corse à adopter des mesures efficaces face aux menaces auxquelles il doit faire face. Quant aux autres questions - « autonomie fiscale », « statut de résidence », « pouvoir normatif de nature législative » - la rédaction du document laisse la place à toutes les interprétations, y compris les plus restrictives. C’est la raison pour laquelle, Josepha Giacometti-Piredda, fidèle à sa ligne de conduite n’a pas pris part à la signature de ce document. C’est la raison pour laquelle Nazione continuera à porter dans le débat publique une parole libre et cohérente conforme à la recherche d’une solution politique et d’une paix réelles au bénéfice du seul ayant-droit légitime sur la terre de corse : le peuple corse.
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