“ Que serait la Corse aujourd‘hui si elle n‘avait pas vu ses enfants les plus valeureux décimés sur les champs de bataille de la Grande Guerre ?
Une chose est sure : elle ne serait pas la Corse que nous connaissons aujourd‘hui... “
16 avril 2023, 6h du matin comme chaque année les marcheurs mettent leurs pas dans ceux des soldats qui,sur ordre du Général Nivelle, s‘élancèrent le 16 avril 1917 à l‘assaut du plateau de Californie, point culminant du Chemin des Dames.
Selon le commandement, la crête de quelques centaines de mètres de hauteur doit être prise en 3 jours...
Seulement voilà, de 1915 à 1917 les Allemands ont eu le temps de fortifier leurs positions...
Plus de 100 000 hommes perdront la vie dans des assaults aussi inutiles qu‘absurdes... 30 000 morts par jours au début de l‘attaque...
Parmis eux des Corses, des basques, des tirailleurs sénégalais, des bretons, des occitans...
Tout ce que les campagnes comportent de forces vives, le monde paysan exterminé en quelques rafales de mitrailleuses et écrasé sous des milliers d‘obus...
S‘en suivra un vaste mouvement de rébellion mené par des hommes las de servir de chair à canon. La chanson de Craonne sera leur hymne...et beaucoup seront fusillés pour l‘exemple...
Cette Histoire, nous la connaissons trop bien en Corse : c‘est celle de nos familles qui dans la Somme, la Marne, à Verdun, la Côte du Poivre, la Côte 304, les Eparges, le col de la Chapelotte; pour ne citer que quelques un de ces lieux sacrés que la mort a revêtu de son manteau noir; perdront un des leurs, parfois plusieurs,et même tous les jeunes d‘un même village...
« Tu babbu in 18 » d‘i Surghjenti, « le chemin des dames » des Chjami Aghjalesi et plus récemment l‘album « In Memoriam » que Jacques Culioli avec l‘associu Aio ziteddi et Arapà consacrèrent entièrement à la guerre 14-18 sont autant de repères musicaux qui dans notre mémoire collective viennent encrer le souvenir toujours vivace de nos aïeux .
Les lettres de corses comme celles d‘André Orsoni ou d‘Antoine Fanni, rédigées quelques heures avant leur mort sont de précieux et d‘émouvants témoignages. (album In Memoriam, Arapà)
Là bas aussi sur les lieux de ces batailles, plus de cent ans après, les souvenirs sont tenaces: pour ces enfants qui ont grandit aux milieux des ruines et des champs dévastés comme Noel Genteur à Craonne, militer pour la mémoire de ces hommes tués par l‘absurde est un sacerdoce, l‘engagement de toute une vie.
D‘autres plus jeunes mais tout aussi déterminés comme Cyril Delahaye, guide conférencier à la Caverne du dragon ou la famille d‘Eric Marchal-Guidoni à la Main de Massiges viennent ,renforcer avec un dévouement exemplaire, la grande famille des bénévoles et des artisans de la Mémoire...
Sans eux pas de tranchées reconstituées, pas de musée, pas de recits et d‘anecdotes pour transmettre aux jeunes générations ce qui demeurera la plus grande boucherie humaine de l‘histoire: les morts, les blessés sans oubliés ceux qui seront marqués à vie par l‘obusite, les mutilations, les gueules cassées ...
La marche se termine lentement, le « Diu vi salvi regina » résonne devant le monument des basques...
Une statue de Napoleon est là, pas loin à quelques centaines de mètres, également pour rappeler une autre bataille sanguinaire, toujours sur le chemin des dames : celle de 1814 au moulin de Vauclerc ...
Dans la plaine glacée par un vent matinal, le chant des oiseaux a remplacé le fracas des bombes, la forêt a repris ses droits, et les premières pousses laissent deviner le printemps qui est déjà là...
Que serait la Corse aujourd‘hui si elle n‘avait pas vu ses enfants les plus valeureux décimés sur les champs de bataille de la Grande Guerre ?
Une chose est sure : elle ne serait pas la Corse que nous connaissons aujourd‘hui...
Une partie du Peuple Corse est resté là bas, dans la boue de ces champs de bataille...
Si nous ne pouvons certes pas remonter le cours du temps, nous pouvons au moins nous souvenir, par nos pèlerinages sur ces lieux chargés d‘histoire et d‘émotions, afin de leur rendre un éternel hommage!
PA Susini