Depuis le 2 mars dernier, jour funeste qui restera à jamais gravé dans la mémoire collective des Corses, des dizaines de milliers de femmes et d’hommes, de tous âges, de toutes conditions, ont manifesté, à plusieurs reprises leur soif de vérité, de justice, de liberté. La réponse de l’Etat français a essentiellement consisté à envoyer des troupes toujours plus nombreuses de gardes mobiles suréquipés d’armes particulièrement dangereuses et potentiellement létales, dont l’utilisation systématique démontre une volonté manifeste de terroriser plus que de maintenir un ordre de plus en plus considéré comme illégitime dans notre pays.
Les effets d’annonce et autres mesures dilatoires qui les accompagnent sont caractéristiques d’un cynisme et d’une stratégie du mépris que nous ne connaissons que trop bien, et depuis trop longtemps.
La lettre de Gérard Darmanin, prétextant un climat trop tendu pour entamer les discussions qu’il avait annoncées est un modèle du genre. Dans un premier temps le ministre français se livre à un curieux décompte aux allures surréalistes de revendication : « Près de 43 actions ou manifestations se sont déroulées, quasi toutes émaillées de débordements violents ». Puis, il affirme, compte tenu du fait que « ces événements sont inacceptables », et sans rire: « C‘est la raison pour laquelle je me vois contraint de reporter la réunion de vendredi prochain. Naturellement, le gouvernement de la République se tient dans les mêmes dispositions d‘ouverture et de dialogue une fois le calme recouvré ».
“ Dire que nous n’existons pas, que nous ne sommes rien, qu’on ne discutera jamais avec nous de peuple à peuple, d’égal à égal, est une infamie. Vouloir nous imposer cette position irrationnelle autant qu’inhumaine par la force est une violence permanente.“
Tout ce qui s’y oppose n’est que résistance légitime.“
Il est assez cocasse de le voir réclamer un retour au calme alors que des forces dites « de l’ordre » ont débarqué et se déploient en Corse sous son contrôle avec pour instruction patente de blesser, de mutiler si besoin, et, en tout cas, de faire tout le contraire de ce qu’une quelconque volonté d’apaisement exigerait. Mieux, il demande aux institutions de Corse de faire en sorte que le calme soit « recouvré », leur confiant ainsi une mission régalienne et franchissant pour le coup une de ses propres « lignes rouges » : à quand les pouvoirs de police et de justice pour notre pays, afin de créer les conditions idoines d’un dialogue serein ?
Il est clair aujourd’hui que les artisans – voire les combattants – d’une paix véritable se sont toujours trouvés du côté des nationaux corses. L’Etat français n’a jamais, quant à lui, proposé que le retour au calme des cimetières et la paix des prisons.
La négation de notre existence en tant que peuple est par ailleurs l’une des nombreuses lignes rouges qui sont régulièrement franchies par l’Etat français, et ses représentants. Dire que nous n’existons pas, que nous ne sommes rien, qu’on ne discutera jamais avec nous de peuple à peuple, d’égal à égal, est une infamie. Vouloir nous imposer cette position irrationnelle autant qu’inhumaine par la force est une violence permanente.
Tout ce qui s’y oppose n’est que résistance légitime.
C’est à l’aune de ces considérations que devra s’engager une négociation sans préalables et sans « lignes rouges » prédéterminées si l’on désire vraiment qu’une solution politique d’essence historique puisse voir le jour. Tout le reste ne peut se résumer qu’à des marchés de dupes, des tractations fumeuses, voire indignes, sur fond de fausses promesses, ou des atermoiements suivis de reculades qui ne font que préparer les drames de demain.
La détermination de notre peuple et en particulier de sa jeunesse sera seule de nature à orienter favorablement l’avenir de notre nation. Aujourd’hui plus que jamais.
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