TOURISME : Santé ou Economie ?
Une thématique qui fait couler énormément d’encre et anime les débats. Pourtant, sans s’avancer sur quelques chiffres ou données, le tourisme représente plus de la moitié du PIB Corse et la crise sanitaire est désormais officiellement responsable d’une baisse de 14% du chiffre d’affaire, toute entreprise confondue. Si ces chiffres ne font pas l’unanimité, reste comme certitude que de nombreuses familles corses, dépendent soit directement ou indirectement du tourisme.
D’où la grande question que beaucoup se posent aujourd’hui : La saison estivale 2021 ? Quand et sous quelle condition ? Doit-on privilégier la santé ? l’économie ? Ou peut-on associer les deux ?
Pour cela, nous partirons à la rencontre de plusieurs restaurateurs et hôteliers, tous de jeunes corses, ouvert à l’année ou seulement durant la saison. Ils nous expliqueront leurs choix, leurs craintes, et comment appréhendent ils la saison estivale à venir.
C’est dans la région de « l’extrême sud » que nous appellerons Pieve di l’Avrettu, que nous nous dirigeons à la rencontre de ces jeunes professionnels du tourisme, et plus particulièrement, au sein même de Portivechju et de ses alentours. Entre Tourisme de masse et «Jet-7 », la cité du sel c’est avant tout une histoire, une population, une ambition et des valeurs propres, qui en font son authenticité.
Mais Portivechju, c’est également une région où beaucoup de jeunes corses on fait le pari de se lancer dans cette aventure. Créer leur entreprise, leur bar, leur restaurant, leur hôtel, dans le but de participer activement à ce monde économique, bien souvent montré du doigt.
Nous savons que le tourisme en Corse est souvent montré comme une opposition à l’agriculture, à l’environnement, à une économie circulaire, à un respect de notre culture et patrimoine. Pourtant, là où le tourisme en Corse a pris le chemin d’un tourisme de masse, certain y voient une nouvelle forme de cette activité.
C’est cette crise sanitaire qui va mettre le doigt sur une défaillance que chacun n’a pas eu la volonté de regarder en face. Le fait de miser l’ensemble de son entreprise sur une saison de deux à trois mois. Nous l’avons vu par la fragilité de notre monde, la moindre difficulté, un virus par exemple, peut mettre à mal en seulement deux mois notre fragile économie basée sur le tout tourisme.
C’est en tout cas le sentiment d’Anthony Robert–Carli. Jeune Corse originaire de Lecci, il a toute sa vie baigné dans le métiers d’hôtelier. Il fait face aujourd’hui avec l’ensemble des siens à cette difficulté particulière. Pourtant, ce diplômé de l’école VATTEL, réussi à faire face tout en impulsant et réalisant des projets ambitieux, dans le but de renforcer son offre et professionnaliser le métier d’hôtelier dans la Pieve di l’Avrettu.
En effet si le tourisme en Corse est l’un des premiers vecteurs économiques, le jeune hôtelier nous rappelle que la crise sanitaire est un fait, mais que tout le reste est lié. Si le virus installe une énorme incertitude quant ’au début de la saison, la problématique réside beaucoup sur le transport portuaire et aérien, notamment sur un manque de rotation flagrant accentué encore une fois par cette crise. Ainsi, c’est en échangeant ensemble pendant toute la matinée que nous avons fait e constat du tourisme,le résultat est que le tourisme en Corse est mis à mal part une sorte de trio infernal, à savoir, un virus donc, qui empêche les professionnels d’anticiper un début d’activité, une rotation des transports trop maigre, et enfin une saisonnalité courte, qui oblige presque à tout faire en « one shot ».
Cette saisonnalité, Anthony ne la connait que trop bien. Faisant parti de la 4ème génération d’hôtelier dans sa famille, toujours avec la même entreprise, il regrette « de ne pouvoir proposer plus, à savoir une activité touristique étalée sur l’ensemble de l’année ». Pourtant lui, propose ses services sur une période de 7 mois. Revenant de son Ecole de l’île Maurice, il affirme qu’il est possible en Corse de s’étendre sur l’année, et surtout de prohiber le tourisme de masse, « qui est néfaste en toute chose pour la Corse, quel que soit le domaine ».
L’occasion pour lui de réaffirmer « la nécessité de conserver notre authenticité dans l’offre touristique et surtout, de respecter l’ensemble des normes écologiques ». Ainsi, le rôle qu’il s’est donné avec beaucoup d’autres, est de tenir l’image du tourisme en Corse, comme un label d’excellence.
Pour finir, il expliquera que l’ensemble des normes imposées par la présente crise sanitaire devra faire partie du quotidien. Cependant, « qu’il est tout de même mal calculé qu’une décision nationale soit prise pour l’ensemble des régions ». Il se dit dans tous les cas prêt à associer son métier, et de respecter scrupuleusement l’ensemble des normes, des suivies de registre et autres directives.
C’est en allant à la rencontre de passionnés et de professionnels, que l’on prend toute la dimension de l’importance de l’activité du tourisme en Corse.
Car en effet, il n’y a pas que des chiffres, des tableaux et autres données, assumés par les uns et contestés par les autres. Il y a avant tout des femmes et des hommes, qui encore une fois, ont donné et donnent encore leur énergie pour promouvoir une réelle offre en Corse, dans le but d’accueillir, de partager et de présenter notre identité autrement.
C’est ainsi, que l’on partira à la rencontre d’autres profils.
Il y a, à Portivechju, une rue, peut être reculée et mal connue de certains, ou le temps s’arrête parfois, et laisse l’agitation du centre-ville à une ambiance de village. La rue Borgu, réputée par son authenticité, est sans doute ce qu’il y a de mieux pour résumer ce cartulare.
En plein centre-ville de Portivechju, où les nouveaux pavés masquent le temps passé, mais laissent en évidence ce désert, la crise sanitaire y a marqué son passage cruel. De la fièvre estivale à l’agitation juvénile hivernale connue de tous, il pèse une ambiance morose, triste. D’un étouffement au mois d’août à l’abandon de février.
Mais c’est dans cette rue que l’on rencontrera Ghjuvan Pà Santini et Jeremy Nicoli. Du bar le Vinyle au restaurant du Borgu, la question du tourisme en Corse ne se résume pas à un choix entre l’économie ou le sanitaire. Après une longue discussion, la question reste beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. Il n’y a pas de choix à faire entre les deux. « L’économie et le sanitaire doivent s’associer pour préserver la population c’est vrai », mais surtout « mettre fin à cette période anxiogène à tout point de vue » que Ghjuvan Pà Santini montre du doigt comme le fléau actuel. Si tout le monde s’accorde à dire « qu’il faut au plus vite retrouver une vie, il faut au contraire mettre fin à cette sensation de lourdeur et de monotonie ».
De ce fait, nous retrouvons toujours la même analyse sur un tourisme étalé sur l’ensemble de l’année. C’est ce qu’affirme Jeremy Nicoli qui quant à lui fais « l’effort de rester ouvert à l’année quand je le peux. »
Un tourisme reparti sur l’année apportera un plus en matière de gestion de personnel pour le jeune restaurateur et ainsi qu’une meilleure prestation. L’emploi à l’année est également une question importante, notamment avec cette nouvelle réforme sur le droit au chômage, où les jeunes à Portivechju, ont pour beaucoup et malheureusement, été mal habitués, en profitant d’une saison de trois mois et de droit au chômage l’hiver. Ainsi pousser une saison au-delà des trois mois, apporterait un plus en matière d’embauche.
Cependant, la question pour Ghjuvan Pà propriétaire du Vinyle et de Jeremy propriétaire du Borgu, l’incertitude reste sur la potentielle ouverture ou non des établissements. Si le passeport sanitaire « pourrait en effet être une solution » il est important « de ne pas infantiliser les gens et les leur laissez le choix ».
De plus, loin du tourisme, chacun des deux on toujours travaillé en privilégiant certes la saison d’une part, mais surtout en favorisant une clientèle locale. C’est sur ce détail au combien important que la discussion a continuer. Si le tourisme en Corse est un vecteur essentiel de l’économie insulaire, il y a tout de même, et surtout à ne pas oublier, les Corses, qui ont toujours fait marcher leur commerce. Si la crise sanitaire aura bloqué une immense partie de notre économie, elle aura permis également de retrouver un tourisme local oublié notamment par notre jeunesse. Cette richesse due à la population locale doit rentrer dans une stratégie de perspective plus grande encore. Ainsi une ouverture à l’année, qui fait l’objet d’un commun accord avec la plus grande majorité, semble être le maitre mot quand nous débattons du tourisme en Corse.
Ainsi ces quelques témoignages, nous confirment qu’il n’y à pas de débat et encore moins de choix à faire entre l’économie ou le sanitaire. Si préserver notre population nous parait primordial pour ne pas dire primordiale, il est important de sauver notre économie, nos hôtels, bars, restaurants, commerces, non pas au détriment de notre santé, mais dans une stratégie beaucoup plus large. Il n’est pas aisé de dégager une réponse claire et évidente. Doit on faire venir des touristes cet été ? plus qu’à l’accoutumé ? Ou doit-on au contraire réguler et anticiper sur un prolongement de la saison ?
Cette crise sanitaire aura mis en évidence l’opposition des uns et des autres. Pour autant, chacun de nous a au moins, dans son entourage proche, une personne atteinte de la maladie et une personne en faillite totale.
Si le tourisme ne doit pas être un mot tabou, l’économie et le monde de l’entreprise, doivent à eux trois, dans le respect de nos droits, le respect de l’intégrité et de l’environnement, être à la suite de nombreux autres, les piliers de la construction de notre nation.
Petru-Antone VESPERINI
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