L’intervention du FLNC dans le débat public, par deux fois ces dernières semaines, a été largement commentée.
Sur un plan purement pratique, dans la lourde affaire d’urbanisme de Capu di Fenu, force est de constater que l’action des clandestins a eu pour effet de sortir de leur torpeur les autorités administratives et judiciaires françaises.
Celles-ci, se souvenant brusquement qu’elles ont théoriquement la charge de faire appliquer leurs règles de droit, ont annoncé qu’elles allaient se préoccuper de la question.
Même si on peut le regretter, on constate que les délibérations unanimes de l’Assemblée de Corse n’ont jamais eu un tel effet.
« En même temps », comme dirait quelqu’un, on ne manque pas d’activer les habituels moyens répressifs à travers l’ouverture d’une enquête par le parquet dit « antiterroriste ».
De façon plus générale, l’analyse publiée par les clandestins n’a pas donné lieu à polémique, étant difficilement contestable s’agissant du fond politique.
Nous ne nous livrerons pas ici à une exégèse des deux communiqués et encore moins à un commentaire sur la reprise des activités militaires, laquelle relève de l’appréciation du seul FLNC.
Se trouvant en première ligne, ses militants ont certainement davantage besoin de solidarité que de conseils.
En revanche, nous évoquerons la question de la légitimité.
Dans une situation normale, dans un pays où le fait démocratique est respecté et où les droits nationaux sont librement exercés par le peuple, le suffrage universel constitue évidemment la source principale de légitimité.
Le contexte historique corse est tout autre : depuis des dizaines d’années, les quelques avancées concédées par Paris ne l’ont été que sous l’effet du rapport de force établi par la lutte clandestine.
« Depuis des dizaines d’années, les quelques avancées concédées par Paris ne l’ont été que sous l’effet du rapport de force établi par la lutte clandestine.»
En effet, les quelques tentatives électorales des autonomistes dans les années 1970 s’étaient traduites par des échecs retentissants, et souvent humiliants du fait de la puissance et de l’arrogance des élus d’alors.
Ces derniers réalisaient régulièrement des résultats écrasants, amplifiés du reste par la fraude.
Seule la lutte la plus ferme a permis de changer les choses : Si le Riacquistu des années 70 avait été désarmé, il aurait été considéré par Paris comme l’ultime soubresaut folklorique d’une identité condamnée.
C’est cette lutte de quatre décennies qui a permis au peuple corse de demeurer une réalité vivante et aux nationalistes, dans leur diversité, de voir leur audience s’accroître y compris sur le terrain électoral.
Sauf à être de la plus parfaite mauvaise foi, chacun ne peut que reconnaître que sans le combat clandestin il n’aurait pas même été question d’un statut particulier. À ceux qui ont la mémoire courte, il suffit de relire les comptes rendus des débats parlementaires de 1982 pour s’en souvenir.
Aussi, il ne serait pas honnête – intellectuellement et politiquement – de considérer que les élus actuels ne tiennent leur mandat que de la dernière élection.
Sans la décision du FLNC en date de juin 2014, il n’y aurait pas eu l’union qui permit la victoire de décembre 2015, ainsi que les résultats électoraux enregistrés depuis.
Mais si l’on remonte plus loin, on est bien obligé d’admettre que sans l’action du FLNC, il n’y aurait aujourd’hui ni Assemblée de Corse ni Conseil exécutif.
La légitimité électorale actuelle est née d’une situation créée par d’autres moyens que les élections.
C’est ce que le FLNC a rappelé en s’invitant dans le débat : dans un pays comme le nôtre qui a connu des dizaines d’années de luttes et de sacrifices, il existe une autre forme de légitimité, une légitimité première, celle dont il est le détenteur.
Jean-Guy Talamoni
« La légitimité électorale actuelle est née d’une situation créée par d’autres moyens que les élections.
C’est ce que le FLNC a rappelé en s’invitant dans le débat : dans un pays comme le nôtre qui a connu des dizaines d’années de luttes et de sacrifices, il existe une autre forme de légitimité, une légitimité première, celle dont il est le détenteur. »