« Par ailleurs, il n’est pas certain que le fait de chercher à nouer un accord avec l’adversaire aux dépens de ses alliés constitue une démarche glorieuse, ou même simplement honorable… »
Depuis à présent des années, Corsica Libera plaide pour la mise en œuvre d’une stratégie offensive face au déni de démocratie parisien.
Les autonomistes semblaient en revanche persuadés qu’en se montrant conciliants – pour ne pas dire davantage –, les choses finiraient par s’arranger.
Se faire de plus en plus lisse, édulcorer sans cesse son discours, abandonner de fait les revendications de nature nationale : telle a été la démarche politique de Femu a Corsica. Jusqu’à mettre fin unilatéralement à l’union avec Corsica Libera, pourtant prévue pour dix ans.
Si l’on en croit un article publié le mois dernier dans un journal parisien de référence, cette rupture – exigée depuis 2015 par Paris – aurait eu pour objectif de permettre l’ouverture d’un dialogue entre le gouvernement français et les autonomistes ainsi débarrassés de leur « encombrant allié indépendantiste Corsica Libera » (Le Monde).
Sauf que cet allié a permis en 2015 aux autonomistes de s’emparer du pouvoir exécutif et en 2017 de parvenir à la majorité absolue. Par ailleurs, il n’est pas certain que le fait de chercher à nouer un accord avec l’adversaire aux dépens de ses alliés constitue une démarche glorieuse, ou même simplement honorable…
Bref, le passé est ce qu’il est.
Même s’il convient de ne point oublier ses enseignements, il nous faut prendre en compte la situation présente, afin d’envisager l’avenir.
Sur cette situation, l’article d’Isabelle Luccioni du vendredi 19 novembre jette un éclairage cru. Evoquant les discussions ayant eu lieu durant la session de l’Assemblée de Corse, elle écrit :
« La sensation générale, c’est que l’Etat n’a absolument pas envie de discuter avec les élus nationalistes.
Pas plus maintenant que sous les précédentes mandatures. Même parmi les élus de la majorité, on ne croit plus vraiment avoir l’oreille de Paris. “Ils veulent nous transformer en super conseil général sous la tutelle du préfet”, grince un conseiller Fà populu inseme. »
Rien d’étonnant à cela : prêts à toutes les concessions et reculades, les responsables autonomistes n’ont reçu en retour que le mépris de leurs interlocuteurs. Logique.
Mesurant l’ampleur des dégâts, les élus ne savent manifestement plus à quel saint se vouer. La journaliste cite l’un d’eux qui, nous dit-elle, n’a jamais cautionné la lutte armée et qui s’en remet à présent au retour des clandestins pour débloquer la situation ! Il y aurait de quoi sourire, s’il ne s’agissait de l’avenir de notre pays…
Lors de cette réunion de l’Assemblée de Corse, le Président de l’exécutif a fait part de sa détermination à s’opposer au dictat parisien concernant la dette envers la Corsica Ferries.
S’agit-il d’un sursaut salutaire ?
« Si l’on peut regretter que ce soit une affaire d’argent qui fasse prendre conscience d’une situation politique dont le caractère inacceptable est ancien, on ne peut qu’espérer un changement de stratégie des élus majoritaires. »
L’avenir immédiat nous le dira. Si l’on peut regretter que ce soit une affaire d’argent qui fasse prendre conscience d’une situation politique dont le caractère inacceptable est ancien, on ne peut qu’espérer un changement de stratégie des élus majoritaires.
Désormais au pied du mur, assumeront-ils leurs responsabilités ?
Résisteront-ils à la tentation de rechercher une porte de sortie qui ne pourrait être qu’une humiliation de plus pour les institutions corses ?
Si les propos de jeudi dernier sont enfin suivis d’actes empreints de force et de dignité, alors il est probable que l’ensemble du mouvement national sera au rendez-vous pour défendre les intérêts matériels et moraux de la Corse.
Jean-Guy Talamoni
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