Aostu #150 – Cap’Articulu : « S’è no tiremu tutti inseme… »

Lors d’une dernière interview donnée à Corse-Matin Gerald Darmanin, ministre français en visite dans notre pays déclarait : “Les Corses sont des Français“. Ce n’est pas la première fois qu’un haut représentant de l’Etat français de passage en Corse se livre à ce curieux exercice d’auto-suggestion, plus souvent connu sous le nom de « méthode Coué » qui consiste à ancrer en soi de manière quasi hypnotique une idée, en pensant en faire une réalité. Il est évident que si la Corse était, vraiment – autrement que d’un point de vue aussi administratif qu’arbitraire et contestable – une région française, cet exercice ne s’imposerait pas. Ce type de procédé peut sûrement fonctionner lorsqu’il s’applique notamment à l’approche psycho somatique de certaines pathologies. Mais il y a peu de chances que cela ne mette pas, au contraire, en lumière l’aspect contradictoire, obsolète, et illégitime d’une démarche qui vise, dans un cadre politique bien précis, à nier les évidences et à opposer une fin de non recevoir à des aspirations qui resteront incontournables car issues, elles, de réalités humaines dont la négation même a quelque chose de criminel.
 
Nous sommes bien deux peuples différents, avec des imaginaires, des histoires, et des héros nationaux différents. C’est le refus cynique par l’Etat français de reconnaître cette réalité qui est la source de tous les conflits et de tous les drames.
 
Et le cynisme ne s’arrête pas là. Les annonces faites pour verrouiller et détourner un débat qui se prétend « historique », en mettant en avant des problématiques bien réelles, sans apporter d’autre solution que la soumission à un « état de doit » étranger, à géométrie variable, dont les Corses ont depuis trop longtemps fait les frais, sont là pour l’attester. Par exemple, qui, dans le domaine de la lutte contre la « criminalité organisée », peut être assez naïf ou suicidaire pour penser que l’Etat français garantira une action sincère et efficace contre une dérive qu’il a encouragée et renforcée pendant des décennies, en menant notamment une politique de criminalisation et de répression du mouvement national corse, pendant que le business du crime, lui, continue de servir au maintien de l’ « équilibre économique » colonial ? Et alors même que les propositions, notamment défendues par Corsica Libera, et dont certaines ont été validées par les institutions de la Corse, sont rejetées en bloc et inapplicables face à des lois injustes que l’on nous impose depuis Paris.
 
Qui, à part le FLNC dont la dernière communication – sans risque d’en faire une exégèse par trop hasardeuse – semble assez explicite à cet égard, apporte aujourd’hui une quelconque garantie que le statut de résident, mesure vitale – et pas forcément suffisante d’ailleurs – pour enrayer la frénésie spéculative et le cortège de malheurs et de drames qui lui sont rattachés, soit un tant soit peu respecté? Personne.
 
Les « lignes rouges » des commis de l’Etat français constituent même la preuve flagrante qu’aucune marge de manœuvre ne sera laissée aux Corses pour résoudre véritablement et durablement leurs problèmes. Le premier crime du colonialisme étant de faire croire au colonisé que, livré à lui même, il n’est bon à rien. Et que le meilleur traitement face à cette incapacité atavique ne se trouve que dans l’accroissement de liens de dépendance qui, en réalité – le soutenant comme la corde soutient le pendu – constituent les véritables raisons structurelles de la plupart de ses maux.
 
De cela et de bien d’autres sujets, il sera longuement question lors des Ghjurnate Internaziunale di Corti des 6 et 7 Août prochains où l’expérience d’autres peuples confrontés aux mêmes forces délétères sera d’un apport précieux.
 
A catena chì ci stringhje hè più o menu a listessa, ma, cum’è a ci dice una certa canzona, « s’è no tiremu tutt’inseme forse chì un ghjornu sciapperà… ».

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