Cap’Articulu d’Eric Simoni : Ferraghju d’u 2021

« …On m’ôtera les armes et je la défendrai avec mes mains la maison de mon père. On me coupera les mains et je la défendrai avec mes bras la maison de mon père. On me laissera sans bras, sans poitrine et je la défendrai avec mon âme la maison de mon père. »*
S’il est un combat emblématique de la lutte nationale corse c’est bien celui que les patriotes ont de tous temps mené contre la dépossession foncière de notre peuple.

Le phénomène de transfert de la terre et des biens immobiliers excluant les Corses au profit de personnes ou de groupes financiers étrangers, qui est à l’œuvre depuis trop longtemps déjà, a connu une accélération notable ces dernières années. Certaines mobilisations de la part de Corsica Libera, comme aux Palazzi en Balagne ou au couvent de Santa Catalina à Siscu ont permis de donner un coup d’arrêt ponctuel à cette pression permanente des forces de l’argent qui tend à faire des Corses des errants sur leur propre sol.

Cela est d’autant plus insupportable que ce qui nous lie à notre terre, comme à nos maisons, va, depuis le fond des âges, bien au delà de la propriété matérielle. Nous appartenons au lieu au moins autant qu’il ne nous appartient.

Aucune administration étrangère, aucune transaction financière, ne sera jamais assez légitime à nos yeux pour nous faire accepter cette logique mortifère de dépossession programmée.

De l’action armée du FLNC jusqu’en 2014, à la revendication d’un indispensable statut de résident, en passant par le programme intitulé « Terra salva » défendu par le groupe d’élus de Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, la volonté du peuple corse de combattre ce fléau s’est toujours affirmée. Et continuera à le faire. C’est une question vitale qui touche non seulement à ce qui doit être reconnu comme nous appartenant, mais aussi, comme on l’a vu, à ce que nous sommes.
La résolution démocratique de ce problème est également une exigence autant qu’une garantie d’évolution pacifique durable dans un contexte qui ne cesse de se tendre et de s’aggraver, du fait d’apprentis sorciers qui, dans les officines parisiennes, continuent de penser que le pourrissement de la situation est toujours la meilleure stratégie. La Corse ne connaît que trop bien les conséquences de ce genre de calculs, aussi ineptes que cyniques. Notre Histoire contemporaine en est, malheureusement, jalonnée. Ils ont pourtant échoué jusqu’ici à réduire notre sentiment national et ce dernier a, au contraire, été à l’origine de victoires sur un terrain institutionnel pourtant miné par un corps électoral en partie étranger.

Il n’en demeure pas moins que la lutte contre une spéculation immobilière prédatrice aux effets délétères doit être prioritaire et nécessitera un mouvement global intéressant toute la société, bien au delà des rangs d’une Assemblée de Corse qui, aujourd’hui, n’est pas en mesure d’imposer, seule, les règles indispensables à la sauvegarde de nos intérêts communs face à un Etat français plus sourd et aveugle que jamais.

Comme les indépendantistes n’ont eu de cesse de le rappeler, le maintien de l’usage et de la propriété de notre terre par les Corses est une des conditions indispensables pouvant nous permettre d’assurer un avenir à notre peuple.

Aujourd’hui, le combat politique à mener contre l’exclusion des Corses de leur propre terre répond toujours, à la fois, à des problématiques d’ordre social, agricole, culturel, économique ou environnemental.

Il est central, essentiel, incontournable, et demandera la mobilisation de toutes les forces vives de notre pays.

*Gabriel Aresti (La maison de mon père, 1963, Euskadi)