Populu è immigrazione : Quì simu in Corsica

Conférence de presse de Corsica Libera sur La promotion du peuple corse et de ses droits du 28 octobre 2015 : Le débat récemment organisé à l’Università di Corsica sur la notion de « communauté de destin » a donné lieu à une large participation de la jeunesse à travers notamment les syndicats étudiants. Des prises de positions très intéressantes ont été effectuées à cette occasion. Nous nous reconnaissons tout particulièrement dans l’intervention, équilibrée et responsable, de la Ghjuventù Indipendentista.
Ce débat constitue pour nous l’occasion de préciser notre propre position en ce domaine.

Héritier de la lutte des nationaux corses du XVIIIe siècle, le mouvement moderne de libération nationale combat naturellement pour la défense des intérêts politiques de notre peuple, dont il convient de rappeler qu’il est la seule communauté de droit sur la terre corse.

Le peuple corse, seule communauté de droit sur la terre corse

Comme l’avait solennellement déclaré l’Assemblée de Corse en 1988, à travers une motion déposée par le groupe de A Cuncolta Naziunalista, notre peuple est composé de Corses d’origine et de Corses d’adoption. Lorsque, il y de nombreuses années, le FLNC a adopté la notion de « communauté de destin », cette dernière ne signifiait pas qu’il suffisait de fouler le sol de l’île pour devenir corse instantanément. L’adoption dont il est question suppose une volonté de participer à notre peuple, ainsi qu’un processus d’intégration. Ce mode d’intégration fonctionne depuis toujours dans notre pays et il a conduit au peuple corse actuel.
Aujourd’hui, cette communauté nationale, qui a adopté des étrangers tout au long de son histoire, se pose légitimement la question de son avenir, compte tenu de la politique migratoire mise en œuvre par la France sur le territoire corse : 4000 à 5000 personnes s’installent chaque année dans notre pays. Notre taux d’immigration est deux fois plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE, et quatre fois plus élevé que le taux de la France ! (Et oui, contrairement à une idée répandue dans l’hexagone, ce dernier est loin d’être accueillant !)
Nos taux de chômage et de précarité sont extrêmement élevés. Notre langue, vecteur majeur d’intégration depuis le fond des âges, est aujourd’hui en danger, ce qui rend les choses encore plus difficiles. Pour autant, les nationaux corses n’ont jamais eu et n’adopteront jamais le discours égoïste qui caractérise aujourd’hui une large part du paysage politique français. Pour paraphraser Michel Rocard « La Corse ne peut accueillir toute la misère du monde mais elle doit en prendre sa part », propos que le Premier ministre français appliquait quant à lui à son propre pays, conciliant humanisme et bon sens, éthique de conviction et éthique de responsabilité. S’agissant de l’immigration économique, on peut dire que jusqu’à présent la Corse en a pris plus que sa part, ce qui est tout à son honneur mais qui pose pour l’avenir le problème du contrôle par notre peuple de ses flux migratoires, pouvoir dont disposent déjà les Catalans et que le mouvement national revendique depuis fort longtemps.
Corsica Libera continuera à militer pour que les institutions de la Corse bénéficient enfin de ce droit de contrôle et de régulation des flux migratoires.

La question de l’intégration : ici c’est la Corse

La générosité de notre peuple à l’égard de ceux qui sont venus sur sa terre pour trouver de meilleures conditions d’existence implique pour ces derniers de souscrire à un « pacte d’intégration ». Le prélude à ce pacte est naturellement une reconnaissance et un respect réciproque. Ici, ce n’est pas la France mais la Corse. C’est donc la Corse qui accueille les étrangers. La reconnaissance par ces derniers de ce fait incontournable est évidemment la moindre des choses. De la même manière et de façon réciproque, les étrangers voient leurs droits reconnus, au premier rang desquels le droit à une vie matérielle décente et à une progressive intégration.
S’agissant des différents modèles d’intégration, celui de la France montre actuellement ses limites, de façon cruellement évidente. Le modèle « multiculturaliste » à la canadienne n’est pas davantage le nôtre : il n’y aura pas sur notre terre de communautés juxtaposées et concurrentes. Nous nous prononçons clairement pour un rejet à la fois du modèle français d’intégration et du modèle multiculturaliste. Un modèle corse doit s’affirmer. Il puise ses racines dans la tradition insulaire du XVIIIe siècle. Rappelons l’attitude extrêmement ouverte de Pasquale Paoli, notamment à l’égard des Juifs : les individus disposaient des mêmes droits quelles que soient leurs origines et confessions. En revanche, il n’était nullement question de nier la place du christianisme dans notre société. Observons que ce modèle corse de gestion de la diversité est proche de l’« interculturalisme » que les Québécois ont notamment développé face au multiculturalisme canadien (cf. travaux de la commission Bouchard-Taylor). Or, c’est ce modèle que le Conseil de l’Europe privilégie depuis la consultation de 2006-2007, rejetant dos à dos d’une part la version française de « l’intégration républicaine » faisant appel à une notion abstraite de « citoyen » détachée de toute réalité, et d’autre part le multiculturalisme qui encourage les communautés à vivre séparément sur un même territoire. Pour les tenants de l’interculturalisme, la vie commune ne peut s’organiser qu’à partir du peuple d’accueil, disposant d’une langue et de valeurs spécifiques et autour duquel s’agencent nécessairement la vie du pays et l’intégration de ceux qui souhaitent y demeurer, même s’il n’est pas demandé à ces derniers de renoncer à leurs religions et à leurs racines. Il existe une « préséance » du peuple d’accueil et de sa « culture fondatrice », pour reprendre la terminologie québécoise. C’est ce que nous exprimons pour notre part en affirmant que le peuple corse est le seul peuple de droit sur la terre de Corse.  

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La question de la laïcité

Ici encore, le modèle français ne correspond ni à nos intérêts ni à nos traditions politiques. Sous l’autorité de Pasquale Paoli, la Corse a inventé un Etat laïque dès la moitié du XVIIIe siècle, ce qui était alors impensable en France et dans le reste de l’Europe. La séparation entre l’ordre ecclésial et l’ordre politique était réalisée, opération extrêmement audacieuse à l’époque. Les Juifs vivant dans l’île disposaient du droit de vote comme les autres citoyens. Il ne s’agissait pourtant pas d’une démarche d’éjection du fait religieux, d’un laïcisme comme celui que la Révolution française créera quelques décennies plus tard. Ce laïcisme français conduit actuellement à des comportements ineptes, comme interdire les crèches dans les lieux publics. Cette laïcité qui prétend effacer les racines culturelles chrétiennes de l’Europe n’est pas la nôtre. La laïcité que nous enseigne la tradition politique corse est fondée sur un respect réciproque. Ici encore, il n’est pas question de renoncer à ce que nous sommes et notamment à l’enracinement culturel chrétien de notre société. La laïcité corse garantit à tous les individus les mêmes droits, quelles que soient leurs religions. Elle donne à chacun la possibilité de se livrer de façon digne au culte de son choix. Elle admet depuis toujours, pour faciliter la vie en commun, ce que les Québécois appellent les « accommodements raisonnables ». La laïcité, dont la raison d’être est de permettre le vivre ensemble, place toutes les personnes, de toutes confessions, dans une position de stricte égalité du point de vue politique, administratif, et quant à leurs droits individuels. En revanche, il n’est pas envisageable de mettre sur le même plan le christianisme, intégré culturellement dans notre pays depuis deux millénaires, et les autres religions présentes dans l’île. On comprendra aisément par exemple que nos fêtes religieuses aient vocation à demeurer ce qu’elles ont toujours été, et que notre laïcité ne conduira pas à leur substituer celles d’autres religions présentes dans l’île. 

La crise des réfugiés

Il ne s’agit pas ici d’un cas d’immigration économique mais de réfugiés que la guerre a jetés vers l’Europe. Que faire devant cette urgence ? Tenter de barricader ses portes en tremblant, comme certains le suggèrent? Ceux qui ont « une certaine idée de la Corse », ceux qui considèrent que nous sommes une nation, et non une population apeurée sur un morceau de territoire français, ne peuvent avoir cette attitude. En premier lieu, parce que le droit d’asile relève du jus gentium appliqué par tous les pays civilisés. En second lieu, parce que cette forme particulière d’hospitalité est chez nous essentielle, de par nos racines culturelles chrétiennes et notre propre tradition politique. À cet égard, le paolisme n’a pas fini de nous délivrer ses enseignements.
En tout état de cause, il convient d’observer que la participation de la Corse à l’effort européen concernera seulement quelques dizaines de personnes à accueillir.
Par ailleurs, ne peut-on mettre à profit l’émotion suscitée par cet épisode dramatique pour fédérer toutes les ressources disponibles dans le sens d’une solidarité organisée face à toutes les situations de détresse ? L’Assemblée de Corse ne pourrait-elle se doter d’une entité politique en charge de la coordination de l’ensemble des administrations, des associations et des particuliers, non seulement pour participer – dans la mesure de nos modestes capacités – à la gestion de la présente situation de crise, mais à plus long terme pour venir en aide à tous ceux qui dans l’île éprouvent les plus grandes difficultés ? C’est ce que le groupe Corsica Libera a officiellement proposé à l’Assemblée de Corse lors du débat public du 2 octobre 2015. Ainsi, non seulement les détresses locales ne seraient pas délaissées au profit des réfugiés mais ces derniers auraient provoqué une prise de conscience salutaire au bénéfice de tous. Car la générosité et la solidarité n’ont pas vocation à se diviser mais à s’additionner.

La citoyenneté : un pont entre le statut de résident et la nationalité corse de demain


Le statut de résident, adopté par l’Assemblée de Corse, constitue une avancée importante dont nous devons obtenir la mise en œuvre par Paris. Pour autant, il ne saurait constituer une fin en soi. Nous militons pour une citoyenneté corse, laquelle devra conduire à terme à l’institution d’une véritable nationalité.  
Une citoyenneté fondée sur dix ans de résidence à titre permanent (critère retenu depuis une quinzaine d’années par l’ensemble des formations nationalistes dans le cadre de « A Cunsulta Naziunale ») ainsi qu’une connaissance de notre langue (compétence de niveau A2, critère proposé par le rapport de la mission universitaire sur l’avenir de la Corse d’avril 2011).
Cette citoyenneté permettrait d’accéder à la propriété immobilière, à l’emploi, ainsi qu’à l’inscription sur les listes électorales.
Observons que la corsisation et la corsophonisation des emplois demeurent des axes essentiels de la politique que nous préconisons.

Enfin, précisons que ces propositions de notre part, bien que parfaitement cohérentes avec l’objectif d’indépendance nationale, ont vocation à être mises en œuvre par les autorités corses dès la prochaine mandature, quitte à ouvrir des contentieux avec l’Administration de l’Etat français.

Corsica Libera

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